Le 10 novembre 2025
Une date dans la représentation de l’homosexualité au cinéma français et le premier succès public de Patrice Chéreau en tant que réalisateur.
- Réalisateur : Patrice Chéreau
- Acteurs : Jean-Hugues Anglade , Denis Lavant, Gérard Desarthe, Lisa Kreuzer, Armin Mueller-Stahl, Roland Bertin, Annick Alane, Vittorio Mezzogiorno, Claude Berri , Hammou Graïa
- Genre : Drame, Romance, LGBTQIA+, Policier
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Malavida Films
- Durée : 1h49mn
- Reprise: 5 novembre 2025
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 25 mars 1983
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 1983
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Résumé : Henri, un jeune homme, s’ennuie. Accompagnant sa sœur à la gare, il rencontre Jean, homosexuel qui le pousse à commettre un acte de violence sur un inconnu. Immédiatement, il éprouve une immense passion pour cet homme qu’il décide de suivre.
Critique : En 1983, Patrice Chéreau était surtout connu comme prestigieux metteur en scène de théâtre. En outre, depuis un an, il était à la tête du Théâtre Nanterre-Amandiers qui deviendra un célèbre centre dramatique national. Chéreau était peu satisfait de son expérience cinématographique menée jusqu’alors. La chair de l’orchidée (1975), d’un bel éclat baroque, et Judith Therpauve (1978), solide mais traditionnel, avaient été diversement appréciés par la critique, et se soldèrent par des échecs publics sans appel. Il considérait L’homme blessé, coproduit par Claude Berri, comme son véritable premier long métrage. Coécrit par Hervé Guibert, le scénario met au cœur des enjeux l’homosexualité des personnages, même si Chéreau affirmait que cet aspect était secondaire, son objectif étant avant tout de dépeindre une relation destructrice. Henri (Jean-Hugues Anglade) est un post-adolescent qui vit une existence monotone auprès de parents bienveillants mais conformistes (Annick Alane et Armin Müller-Stahl). Alors que les trois accompagnent la fille aînée à la gare, Henri croise dans les toilettes Jean Lerman (Vittorio Mezzogiorno, vocalement doublé par Gérard Depardieu), un trentenaire mystérieux, qui va vite exercer sur lui une emprise doublée d’une véritable fascination. Chéreau et Guibert, bien épaulés par le chef opérateur Renato Berta, montrent admirablement le contraste entre l’univers policé et balisé de l’entourage du jeune homme, et la noirceur du nouveau monde interlope qu’il va côtoyer, d’une dureté et d’une opacité totales, entre dragues dans des pissotières et étreintes furtives dans des hôtels de passe : un monde souterrain et sans pitié, mais non moins codifié que l’autre.

- © StudioCanal Malavida
La vision proposée de l’homosexualité peut paraître rétrospectivement bien restrictive (et parfois doloriste, comme le montre le pathétique médecin vieillissant joué par l’excellent Roland Bertin), mais il faut la replacer dans le contexte d’une période pré-sida, où le sujet de l’orientation sexuelle était presque tabou, et dans un pays où l’homosexualité venait à peine d’être dépénalisée. Et en raison de l’aspect central des rapports entre Jean et Henri, L’homme blessé est un bien une date dans la représentation des amours homosexuels dans le cinéma français. Jusqu’alors, seuls des personnages secondaires étaient surtout concernés, de François Périer dans Hôtel du Nord à Claude Brasseur dans Nous irons tous au paradis, en passant par Geneviève Page dans Belle de jour. Et quant l’homosexualité était au premier plan, le résultat n’était guère probant, des édifiantes Amitiés particulières de Delannoy à la vaudevillesque Cage aux folles de Molinaro, via les décevantes Biches de Chabrol… Mais L’homme blessé a d’autres intérêts que cet aspect. Le récit est conduit de main de maître, avec une montée croissante de la tension narrative, bercée par un pessimisme sur la nature humaine qui anticipe La reine Margot ou Persécution, autres jalons de la filmographie de Chéreau, tout en faisant la jonction avec les univers d’auteurs comme Pasolini, Genet et Fassbinder. Pourtant, c’est encore la « théâtralité » originelle de Chéreau que d’aucuns déploraient toujours à l’époque, y compris les critiques reconnaissant des qualités au film.

- © StudioCanal Malavida
Ainsi, Alain Ménil pouvait-il écrire : « C’est manifeste dans le décor de Richard Peduzzi, son collaborateur habituel : cet amalgame de terrain vague, de fête foraine et de night-club, obscurément louche, ne produit finalement qu’un douteux effet de scène. En prétendant résumer à lui seul tous les lieux, il est forcément loin des exigences d’un décor de cinéma. Tout se passe comme si Chéreau n’oubliait pas toujours le statisme de la scène théâtrale » (Cinématographe, juin 1983). Outre le fait de dénoter une certaine condescendance envers les arts de la scène, ces propos nous semblent peu justifiés, tant c’est précisément ce décalage né de l’artifice qui fait la force de l’atmosphère du film. Dans le Panorama de France Culture, Claude-Marie Trémois regrettait que Jean-Hugues Anglade ait dix ans de plus que son personnage. C’était oublier que l’acteur, au traits encore juvéniles, traduisait à merveille les fragilités d’un jeune homme dont on peut penser qu’il a mûri plus vite que les autres garçons de son âge. On l’aura compris : L’homme blessé, pourtant globalement bien accueilli à sa sortie, se bonifie avec les années. L’œuvre fut sélectionnée en compétition officielle au Festival de Cannes puis connut une belle carrière en salle. Chéreau et Guibert obtiendront le César du meilleur scénario original. Après ce film, Chéreau ne reviendra au cinéma que quatre ans plus tard (Hôtel de France). Il abordera à nouveau l’homosexualité avec Ceux qui m’aiment prendront le train ou Son frère. En 2025, L’homme blessé ressort dans une version restaurée à l’initiative du distributeur Malavida, dans le cadre d’une « rétrospective Patrice Chéreau, cinéaste ».

- Crédit : Luc Roux © Malavida
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