La fille au bracelet - Stéphane Demoustier - critique

Critique : Stéphane Demoustier, réalisateur talentueux, d’abord de courts-métrages puis plus récemment de deux longs, dont Allons enfants, présenté au Festival International du Film de Berlin, s’essaye au film judiciaire en s’entourant d’un casting de choix.

Alors que le film débute sur une scène de plage, une douceur d’été, l’arrivée de deux policiers ne méprend pas sur la suite des événements. Lise Bataille, jeune femme de dix-huit ans, impassible, étrangère, lointaine, un bracelet électronique autour de la cheville, révise sa partition pour le procès d’assises qui l’attend.

Sa meilleure amie Flora est morte en effet, seulement quelques heures après qu’elle l’a quittée, un matin. L’avocate générale, merveilleusement campée par Anaïs Demoustier, ne manque pas d’arguments à charge contre la jeune femme, mais le spectateur n’est pas dupe, il n’y a surtout pas d’autres pistes.

La fille au bracelet dispose d’une construction narrative classique, sans faille, entrecoupée de quelques scènes intimistes, indispensables au développement de personnages parfois un peu plats. S’il est clair que ce fut un choix, la froideur et la distance de Lise, campée avec justesse par Melissa Guers pour son premier rôle au cinéma, empêche le spectateur de prendre position pour ou contre elle, de s’y attacher ou de la haïr. Le film laisse le spectateur libre, mais finalement perd un peu son intérêt à découvrir le dénouement de ce procès.

Si l’avocate de Lise, jouée splendidement par Annie Mercier, saisit le spectateur et induit ce doute inhérent aux récits judiciaires, il est regrettable que Roschdy Zem et Chiara Mastroianni, brillants comédiens, n’aient pas disposé de davantage d’espace dans cette histoire. L’unique moment offert à la mère de Lise pour s’exprimer devant la cour révèle justement tout le talent de Mastroianni, insuffisamment exploité dans ce long-métrage.

Mais La fille au bracelet remplit son office : il est une chronique judiciaire efficace, mystérieuse et source de questionnements, qui amène le spectateur à faire ses propres choix.

Si l’angle du pur réalisme permet au film de coller assez incroyablement à la réalité du monde judiciaire, et même à la vie des jeunes de seize ans en 2020, la mise en scène chirurgicalement objective empêche au récit de développer toute sa noirceur et sa puissance. Une présence accrue du réalisateur, peut-être au détriment de son actrice principale, aurait probablement permis à La fille au bracelet d’exprimer tout son potentiel dramatique.