Born to be dead
Le 17 juillet 2014
Grandeur et déliquescence d’un homme sinistre. Viscéralement noir et plutôt polémique.


- Réalisateur : Andrew Niccol
- Acteurs : Jared Leto, Nicolas Cage, Bridget Moynahan, Ethan Hawke, Shake Tukhmanyan
- Genre : Action, Thriller
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 2h02mn
- Date de sortie : 4 janvier 2006

Grandeur et déliquescence d’un homme sinistre. Viscéralement noir et plutôt polémique.
L’argument : L’ascension irrésistible d’un trafiquant d’armes dans le monde du crime, aux quatre coins du monde, au gré des guerres et des luttes de pouvoir, ses trahisons, ses amours, et la traque que lui mène sans relâche un agent du FBI qui a juré sa perte...
Notre avis : Le cinéaste Andrew Niccol a toujours clamé avoir été insatisfait de son précédent film S1m0ne sous prétexte que son déroulement fictionnel ne correspondait pas à ses attentes (dans la version originale, le personnage d’Al Pacino finissait sur une chaise électrique). Les terribles lois du politiquement correct et du consensus mou ont quelque peu entaché son projet. C’est pour cette raison que Lord of war a été entièrement produit par des Européens et que de fait, il n’y a pas un seul centime hollywoodien.
Ce n’est que lorsque l’on voit le film que l’on comprend mieux les raisons : Lord of war est une œuvre viscéralement pessimiste, cynique, méchante, pour ne pas dire nihiliste, qui prend pour protagoniste un salaud (Nicolas Cage) qui va s’enrichir sur le trafic d’armes. Dans un rôle secondaire de flic vertueux, Ethan Hawke incarne la morale de l’histoire : son personnage traque sa proie nuit et jour afin de le coincer mais ne dispose pas des moyens et du pouvoir adéquats pour le mettre à mal parce que c’est un mal nécessaire. C’est là que Lord of war devient une parabole sinistre sur les horreurs du capitalisme et trouve ses limites (une tendance à la démonstration).
Sur un schéma a fortiori usé (grandeur et décadence), Niccol cloue au piloris toute forme d’émotion pour brosser le portrait d’un cœur de pierre à la fois vénal et inconscient, égoïste et inhumain. Le but clairement affiché est de ne rendre à aucun moment son protagoniste plus sympathique qu’il n’est pas. La première partie, avec ses effets de mise en scène stylisés et sa bande-son pétaradante, entretient le doute jusqu’à ce que finalement on se rende compte que tout fonctionne tel un trompe-l’œil.
Le résultat a le mérite d’être sans équivoque : on n’a pas vu un personnage de fiction décrit avant tant de haine depuis le journaliste joué par Robert Downey Jr. dans Tueurs nés (Oliver Stone, 92). Avec Lord of war, l’inquiet Andrew Niccol fait humer le purin existentiel d’un homme dépourvu de tout scrupule comme de tout sens moral. Pervers et contre tous.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Seul le commentaire audio du réalisateur Andrew Niccol reste disponible sur cette édition simple de Lord of war ; un bonus extrêmement intéressant qui lui permet de revenir sur tous les aspects de son travail : genèse, choix artistiques, difficultés, politique. Pédagogue et captivant. Egalement disponible, un supplément qui ne sert à rien, à savoir des fiches techniques sur les armes les plus vendues dans le monde. Sur l’édition collector, vous trouverez des reportages sur ces Marchands de mort, un making of, des scènes inédites, tout sur les discrets effets spéciaux numériques, des interviews, etc.
Image & son : Une édition d’une excellente facture avec une image d’une netteté affolante mais surtout une piste DTS qui va littéralement vous clouer dans votre canapé. La densité est telle que l’on sursaute parfois lorsque les enceintes arrières sont sollicitées. Exemplaire !
Galerie photos
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esdez 8 janvier 2006
Lord of war - la critique
Ce film est bizarrement construit comme une copie conforme de l’organisation mondiale de nos sociétés au 21 eme siecle avec une suave saveur de candeur à toute épreuve devenant quasiment jubilatoire lorsque le métrage arrive à son terme.
Affirmer haut et fort que nos sociétés occidentales se nourissent principalement de la mise en pratique des préceptes du Prince de Machiavel par la bouche d’un individu insignifiant et mièvre est particulièrement retors. Ce sentiment ne s’affirme pas immédiatement mais il prends tout son sel lorsque l’on synthétise ce film.
Merci messieurs pour cette oeuvre qui devrait passer en boucle chez tous nos "décideurs".
Dominique Brunel 18 janvier 2006
Lord of war - la critique
Comme on le sait sur avoir-alire, lorsque Romain Le Vern note à 2, cela signifie que le film vaut 3 yeux pour le commun des mortels dont je suis :)...
Petite précision concernant le gentil flic. Il est gentil, certes, mais jamais on ne prend parti pour lui alors qu’on s’imagine tout à fait dans son rôle, celui du moraliste anti-arme, anti-guerre, anti-méchant. Ses arguments semblent tellement ressassés et vides d’effet face à la vacuité bovine du regard d’un Cage qui ne semble rien comprendre à ce que lui veut le gentil beau gosse. Un peu comme un élu FN qui regarderait médusé un anti raciste déblatérer ses poncifs droitdelhommistes.
Le frère de Cage, lui aussi, nous met face à notre propre attitude : aurions nous son courage dans une telle situation, ou fermerions-nous les yeux au milieu du danger, pour mieux nous flageller une fois rentré au chaud dans nos chères pénates démilitarisées ?
Tant de questions et de simples vérités qui nous effleurent parfois, et que nous oublions aussitôt... c’est plus simple de regarder un film.
andrebazin 9 mars 2006
Lord of war - la critique
Il est des films dont on se demande ce qu’il deviendrait sans leurs acteurs principaux. Est-ce que Scarface serait Scarface sans Al Pacino ? Est-ce que Le Parrain demeurerait Le Parrain sans Marlon Brando et - encore ! - Al Pacino ? De la même façon, que resterait-il de Lord of war sans l’interprétation remarquable de Nicolas Cage. D’un film sur le trafic d’armes, le jeu hallucinée de Nicolas Cage fait une œuvre cinématographique qui dépasse son sujet, aussi polémique qu’instructif. La dénonciation d’une injustice ne donne pas toujours de bons films. Bons sentiments, volonté didactique sont rarement compatibles avec cette mécanique de précision et de subtilité qu’est le cinéma. Quand on accompagne le spectateur, quand on lui explique ce qu’il doit penser, on se perd dans le manifeste, on ne raconte plus une histoire. Andrew Niccol évite cet écueil avec brio. Il retrouve la veine de « Bienvenue à Gattaca », perdue dans « Simone », tout en finesse pour raconter un sujet pourtant lourd. Le scénario fourmille de révélations sur un sujet que le grand public connaît peu. Mais, j’y reviens, la grande trouvaille de Niccol, c’est de laisser les clés du film à Nicolas Cage. Il faut l’avouer, depuis quelques productions bâclées, je croyais de moins en moins à cet acteur génial. Mais comme le diable sorti de sa boite, son interprétation nous saute à la figure et nous saisit aux tripes. Aussi cynique, contradictoire, tourmenté que le monde qui l’entoure, Nicolas Cage n’est pas seulement l’acteur principal du film : c’est le film. On en apprend autant à partir des faits historiques relatés (par exemple, l’éclatement de l’URSS fut l’âge d’or du trafic d’armes) qu’à partir d’une expression de Nicolas Cage. Qu’il soit dévoré d’ambition ou qu’il se regarde avec dégoût, Nicolas Cage n’est rien d’autre que l’image d’une société qui sécrète progrès et destruction, guerre et paix, maladies et vaccins, chimère et bellérophon. Lord of war est le film à voir de ce début d’année.