Le 13 avril 2019
- Acteur : Ian Cognito
- Voir le dossier : Nécrologie
L’humoriste anglais Ian Cognito est mort jeudi dernier au cours d’un spectacle. Il a été victime d’une crise cardiaque. Le public pensait qu’il s’agissait d’un sketch.
News : Il y a bien des années, dans un sketch resté mémorable, Guy Bedos s’imaginait mourant sur scène. L’humoriste français, grimaces à l’appui, mimait sa fin devant un public hilare qui prenait la chose à la légère et s’écriait : "Qu’il est drôle ! Où va-t-il chercher tout ça ?". Et Bedos concluait, laconique : "Eh, je meurs, c’est tout !". Ce qui est arrivé au comique anglais Ian Cognito, jeudi dernier, au Wolf Comedy Club à Bicester (près d’Oxford) est à la fois tragique et absurde : tandis qu’il jouait son spectacle, le comique a été victime d’une crise cardiaque. L’affaire est d’autant plus triste et troublante que Cognito est décédé au moment même où il blaguait sur le fait d’avoir une attaque. Sa dernière plaisanterie a été : "Imaginez, vous vous réveillez et vous parlez gallois !". Puis le comédien s’est effondré sur sa chaise. Le public, qui a cru un effet de scène, est resté cinq minutes à s’esclaffer non loin d’un homme qui venait de mourir, avant qu’un assistant n’intervienne, bientôt secondé par des infirmiers en congé et un policier. Plusieurs massages cardiaques ont été pratiqués, une ambulance a conduit Cognito à l’hôpital. Son décès a été prononcé peu après. L’humoriste était âgé de 60 ans. On l’avait de maintes fois comparé à Lenny Bruce pour son goût de la provocation. Il y a quelques années, il avait commenté ses intentions de la manière suivante : "J’ai essayé de ne pas être trop choquant (parce que c’est facile de l’être). Si j’ai choqué, c’est qu’il y avait toujours une raison. Je me suis construit une réputation contradictoire de fanfaron et de grand compère."
Si l’on s’extrait de la légitime émotion que suscite ce drame, il y a tout lieu de penser que ces cinq terribles minutes où le malentendu a été total valident la toute puissance de ce qu’on appelle le quatrième mur, qui ne concerne pas simplement le théâtre, mais n’importe quelle prestation scénique, y compris le stand-up. Quand bien même un humoriste, dans cette configuration particulière, s’adresse à son public, il demeure encore et toujours dans un rôle, qui détermine toutes sortes de possibilités fictionnelles, y compris les plus extrêmes, où la mort est admise. A plus forte raison parce que l’artiste pratiquait l’humour noir, sa familiarité avec des sujets tabous n’excluait pas qu’il incarne lui-même son propre trépas. Et, dans un geste de connivence, qui a en même temps une fonction cathartique, les spectateurs rient de mettre à distance ce qui les angoisse. Sauf qu’ici on ne jouait plus. Et si le décès de Cognito renvoie à une mythologie du comédien, à la disparition légendaire de Molière (qui n’est pas décédé sur scène), à une célèbre chanson de Dalida (qui s’est suicidée), la terrible collusion d’une blague (sur la mort) et de son effet immédiat (la mort) ne manque pas de frapper l’imagination.
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