Chasseur de têtes
Le 18 août 2010
Costa-Gavras met l’ultralibéralisme dans son collimateur et nous livre un thriller social implacable.
- Réalisateur : Costa-Gavras
- Acteurs : Olivier Gourmet, Karin Viard, José Garcia, Ulrich Tukur
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Date télé : 9 novembre 2016 22:35
- Chaîne : France 4
– Durée : 2h02mn
Costa-Gavras met l’ultralibéralisme dans son collimateur et nous livre un thriller social implacable.
L’argument : Bruno Davert est ingénieur spécialisé en recherche et développement dans le secteur de la papeterie. Licencié pour cause de délocalisation, ce cadre supérieur n’imaginait pas éprouver autant de difficultés à retrouver un emploi. Trois ans plus tard et une famille au bout du rouleau, il décide d’employer les grands moyens pour décrocher un poste : éliminer la concurrence.
Notre avis : Près de deux millions et demi de Français sont officiellement sans-emploi ou plutôt "chercheurs d’emploi" pour reprendre la terminologie des cabinets privés employés aujourd’hui par l’ANPE pour coacher les chômeurs. Le héros de Costa-Gavras use aussi d’un vocabulaire précis pour qualifier sa situation professionnelle. Bruno Davert ne manque ainsi pas de reprendre un policier venu l‘interroger en indiquant qu’il n’est pas "sans-emploi mais à la recherche d’un emploi". Quelques mots qui ne changent pas la réalité mais qui suffisent à illustrer combien le chômage est ressenti comme une maladie honteuse qui ronge sa victime et son entourage au fil des mois qui passent et de leur cohorte de lettres de refus et d’entretiens déshumanisés.
Après avoir dénoncé les dictatures politiques et morales, Costa-Gavras s’en prend à la dictature économique qui délocalise et licencie au gré de ce qu’on appelle désormais non sans malice les plans de "sauvegarde de l’emploi". Son film, coproduit par les frères Dardenne, est d’ailleurs une suite logique de Rosetta et s’inscrit dans ce même courant de réalisateurs qui filme crûment les dégâts du libéralisme, à l’instar de Violence des échanges en milieu tempéré ou Ressources humaines.
L’impasse dans laquelle se trouve Davert est analysée de façon si réaliste qu’on se surprend, si ce n’est à excuser, du moins à comprendre la démarche de ce social killer joué de façon magistrale par José Garcia, bon père de famille devenu une machine à tuer. En fond d’écran, les images récurrentes d’objets de publicité sur l’itinéraire de Davert sont comme autant d’armes à double tranchant éparpillées dans la ville. Une multiplication de messages qui pèsent parfois tout autant que les analyses sur la logique de l’ultralibéralisme par leur répétitivité. Reste néanmoins un thriller social dont la logique implacable fait froid dans le dos.
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alinea 7 mars 2007
Le couperet - la critique
Comment franchir ce grand pas entre "être prêt à tuer" et "tuer" ? Un José Garcia n’ayant plus d’autre choix que de passer à l’acte avec méthode et détermination pour sauver son job qui est tout pour lui. Le film repose entièrement sur lui (en gros plans nombreux) Ce conte contemporain cruel est d’une amoralité trucculente, espérons qu’il ne soit pas prémonitoire ! Lorsque l’on constate les cataclysmes psychologiques que l’insécurité du monde du travail provoquent déjà dans notre société, on regarde l’histoire avec des frissons dans le dos. Le personnage est d’une inhumanité extrême et suivre le processus qui l’amènera à sa folie meurtrière est admirablement bien décrit. On en viendrait presque à le comprendre, voire à trouver des raisons à son geste. Cette descente au plus profond de nos pulsions intérieures est jubilatoire... (Faites attention aux panneaux publicitaires qui émaillent le film, ils sont comme un fil conducteur) L’intrigue implacable est bien construite autour de ce thriller social et l’acteur aux abois est formidable car on se sent proche de lui. La mise en scène est précise bien qu’un peu démonstrative et j’ai regretté les pointes d’humour qui n’avaient pas vraiment leur place... Mais, que de plaisir à plonger dans cette déraison aussi effrayante que logique ! Enfin, un pamphlet social qui dénonce une dérive du chômage avec son cortège d’angoisses ! Courrez, voyez.. et faites attention de ne pas tomber...