Le 29 juillet 2025
Le premier volet du diptyque de Marcel Pagnol est l’un des sommets de sa filmographie, avec une alternance réussie de légèreté et de drame et un découpage subtil révélant la plénitude son art.
- Réalisateur : Marcel Pagnol
- Acteurs : Fernand Sardou, Raymond Pellegrin, Édouard Delmont, Edmond Ardisson, Henri Vilbert, Charles Blavette, Jenny Hélia , Henri Poupon, Robert Vattier, André Bervil, Henri Arius, Jacqueline Pagnol (Bouvier), Rellys, Marcelle Géniat, Milly Mathis, Jean Panisse
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Carlotta Films
- Durée : 2h04mn
- Reprise: 30 juillet 2025
- Date de sortie : 16 décembre 1952
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– Reprise en version restaurée : 30 juillet 2025
Résumé : Manon, bergère sauvage animée du désir de se venger, ne se contente pas de repousser les avances du pauvre Ugolin qui clame à tout vent sa passion. Elle détourne la source qui alimente en eau la fontaine communale. Le village tout entier est condamné à mort.
MANON DES SOURCES : DEUXIÈME PARTIE (UGOLIN)
Critique : Sorti en 1952, Manon des Sources est un diptyque comprenant deux parties : le long métrage éponyme qui donne son titre à cette chronique, et Ugolin. Dix ans plus tard, Pagnol publiera L’eau des collines, sous la forme de deux volets dont le premier sera accès sur le passé des personnages, évoqué notamment au début de Manon des Sources le film et, sous forme de révélations ou de flash-back, dans Ugolin. Le diptyque Jean de Florette et Manon des Sources que réalisera Claude Berri en 1986 peut être considéré comme une adaptation cinématographique de L’eau vive, auquel il est fidèle, davantage qu’un remake de l’expérience grand écran de Pagnol. Notons que ce dernier s’était donc pour Manon des Sources positionné réalisateur puis écrivain, de même que César le film (1936) avait précédé la pièce de théâtre. On peut estimer que Le diptyque Manon des Sources est la dernière grande réussite de l’auteur pour le grand écran : la dernière en date, Naïs (1945), coréalisée par Raymond Leboursier, avait précédé les déceptions relatives de La belle meunière (1948), du segment Jofroi de The Ways of Love (1950) et de l’auto-remake de Topaze (1951). Produit par Les Films Marcel Pagnol, Manon des Sources a été tourné aux studios de Marseille et, pour les scènes en extérieur, au village de La Treille et à Aubagne.

- Jacqueline Pagnol (Bouvier)
- © 2025 Carlotta Films. Tous droits réservés.
Entouré d’une équipe artistique et technique harmonieuse (dont le directeur photo Willy et le compositeur Raymond Legrand), Pagnol n’a pas eu recours à des stars, Fernandel s’étant désisté pour le rôle d’Ugolin. Mais une grande galerie de seconds rôles (certains étant des fidèles du cinéaste), pittoresques et provençaux, encadre le duo de jeunes premiers formé par Jacqueline Pagnol (Manon) et Raymond Pellegrin (l’instituteur), duo qui n’accapare pas cependant pas le temps de présence à l’écran. On peut d’ailleurs remarquer que c’est une certaine structure chorale (inhérente également au travail de troupe théâtral) qui distingue Manon des Sources des deux films de Claude Berri dans lesquels son quatuor de stars (Montand, Depardieu, Auteuil puis Béart) tirait la couverture à soi. La force de Manon des Sources est d’abord la limpidité de son récit, dont on découvre les tenants et aboutissants à travers de longues scènes mettant en avant les thèmes des failles de la solidarité dans une petite communauté paysanne, et des secrets enfouis qui engendrent des conflits intergénérationnels. Des séquences étirées structurent presque à elles seules la narration et révèlent la modernité du cinéma de Pagnol, de longs monologues au centre d’une nature austère faisant même songer, par moments, au cinéma des Straub (sans l’hermétisme ni l’élitisme). Dans les deux parties, on passe de la légèreté à la gravité, mais le glissement est encore plus net dans Ugolin.

- Raymond Pellegrin, Jacqueline Pagnol (Bouvier), Henri Poupon
- © 2025 Carlotta Films. Tous droits réservés.
Dans le volet 1, c’est d’abord une discussion, au bar du village, entre notables et commerçants, qui n’est pas sans rappeler la partie de cartes de Marius. Un clerc de notaire en vacances (Robert Vattier) raconte sa version de l’histoire tragique de Jean de Florette, le père de Manon, tout en étant l’objet de taquineries et d’un « mini-jeu de cons » en raison de sa surdité. Les seconds rôles sont ici à la fois chœur antique, éléments d’un humour politesse du désespoir, et permanente voix off présente à l’image. Le maire (Fernand Sardou), le boucher (Arius), le menuisier (Blavette) ou le boulanger (Bervil) rivalisent de faconde et de jeux de mots. À la fenêtre ou dans les environs, les épouses se lamentent de la perversité de ces messieurs, à l’instar de l’épouse volubile du menuisier (Milly Mathis, la tante Claudine de Fanny). C’est ensuite une séquence d’improbable procès improvisé dans la salle des fêtes, dans lequel l’instituteur devient avocat et un brigadier (René Servil) procureur. L’accusée ? La sauvageonne des Sources, qui a accueilli d’un coup de gourdin le jeune villageois s’étant montré trop entreprenant. Une séquence réjouissante, d’un féminisme prémonitoire, et qui révèle toute l’humanité du cinéma de Pagnol, et son agacement vis-à-vis de toute forme d’intolérance et d’obscurantisme. Deux séquences sur la colline sont ensuite essentielles aux enjeux sentimentaux : entre Manon et l’instituteur ; puis entre Manon et Ugolin (Rellys), le quadragénaire qui a brisé la famille de la jeune fille et qui désormais lui clame un amour pathétique. Enfin, la cérémonie de la fête de l’eau, à la fois comique et tragique, est également chargée d’une connotation semi-fantastique, après la prémonition d’une mystérieuse Piémontaise (Marcelle Géniat) et les accusations de sorcellerie envers Manon…
Manon des Sources et Ugolin sont présentés en salle dans une version restaurée, à l’occasion de la seconde partie de la rétrospective Marcel Pagnol proposée par le distributeur Carlotta à l’été 2025.
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