Le 30 mars 2020
Le spectateur sera subjugué par ce récit mené de main de maître par Lee Chang-dong, pour peu qu’il veuille bien pénétrer les portes d’un univers singulier.
- Réalisateur : Lee Chang-dong
- Acteurs : Song Kang-ho, Jeon Do-yeon, Cho Young-jin, Seon Jung-yeop , Kim Mi-kyung
- Genre : Romance
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo, Diaphana Edition Vidéo
- Durée : 2h30mn
- Titre original : Milyang
- Date de sortie : 17 octobre 2007
- Festival : Festival de Cannes 2007, Sélection officielle Cannes 2007 (en compétition)
Résumé : À la suite du décès de son mari, Shin-ae vient s’installer à Miryang, la ville natale de celui-ci avec son petit garçon. Entre ses cours de piano, ses nouvelles relations et Jong-chan, le patron d’un garage qui tente de se rapprocher d’elle, cette jeune femme douce et discrète débute une nouvelle existence. Jusqu’au jour où la tragédie frappe à nouveau...
Critique : Après le fulgurant Oasis (2002), ce film, en dépit de quelques longueurs, confirma le talent de cinéaste de Lee Chang-dong, fin lettré et ancien ministre de la Culture de la Corée du Sud. Il révéla en outre une grande actrice asiatique, Jeon Do-yoon, lauréate incontestée du prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2007, qui composait un personnage borderline dans la lignée de l’Adjani d’Adèle H, et de Gena Rowlands dans Une femme sous influence. Le pari n’était pas gagné d’avance : un récit qui prend son temps, des ruptures de ton déconcertantes, des scènes de comédie dans des séquences dramatiques (le meurtre d’un enfant), des retournements de situation qui chez d’autres cinéastes paraîtraient grotesques. Et pourtant, le spectateur sera subjugué, pour peu qu’il veuille bien pénétrer les portes d’un univers singulier. Accompagnée de son fils, une veuve retourne dans la ville natale de son mari et entame un travail de deuil difficile, mal intégrée à la population locale. Le kidnapping et la mort de son fils la feront sombrer dans la piété stérile, la solitude et la folie.
- Copyright Diaphana Films
A mi-chemin du film d’auteur et du drame populaire, Secret Sunshine est beau comme un mélo de Sirk ou Fassbinder, et explore avec finesse la veine intimiste de la déroute des sentiments, dans une approche faisant écho aux démarches de Truffaut ou Lars von Trier. L’œuvre regorge de séquences d’anthologie : la bifurcation vers le thriller, quand l’héroïne cherche à déposer sa rançon, les obsèques de l’enfant, les prières avec un groupe de paroissiens en transe, la scène de pardon dans une prison et surtout un passage incroyable qui voit le sabotage d’un rassemblement religieux en plein air. Si ce portrait de femme blessée est tant décapant et poignant, le réalisateur n’oublie pas de soigner toute une galerie de personnages secondaires qui, loin de jouer la carte du seul pittoresque, sont des éléments clés de la narration.
- Copyright Diaphana Films
On croisera ainsi un couple de pharmaciens animant des prières catholiques comme d’autres des réunions Tupperware, une belle-mère hystérique, et surtout un amoureux éconduit, véritable fil conducteur du récit, prêt au pires compromissions pour conquérir le cœur de la belle, et interprété par Song Kang-ho, le futur père de famille de Parasite. Si le dérapage des personnages contraste un peu avec le (faux) classicisme de la mise en scène, Secret Sunshine n’en est pas moins troublant et sera à classer au rayon d’un « cinéma de la démence » quelque part entre Le Locataire de Polanski et The Pillow Book de Peter Greenaway. Lee Chang-dong réalisera ensuite deux autres perles du cinéma sud-coréen, Poetry et Burning.
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Norman06 27 avril 2009
Secret Sunshine - Lee Chang-dong - critique
Une œuvre flamboyante, par l’auteur de Peppermint Candy et Oasis. Des ruptures de ton surprenantes et un récit mené de main de maître, sous un classicisme apparent. Jeon Do-yeon n’a pas volé son prix d’interprétion féminine à Cannes.
Jujulcactus 29 janvier 2011
Secret Sunshine - Lee Chang-dong - critique
Lee Chang-Dong aime les portraits de femmes bléssées, tout en retenue dans « Poetry », il a laissé exprimer sa douleur et sa haine dans « Secret Sunshine ». L’histoire d’une femme et de son fils qui s’en vont vivre dans la petite ville natale du mari décédé... La jeune femme veut tenter de repartir à zéro, d’oublier, de tourner la page... Mais comme une malédiction, le sort s’acharne de nouveau sur elle.. Le film repart alors sur ses questions initiales mais avec une nouvelle dimension : le deuil, l’oubli, et le pardon. Une grande réflexion est d’ailleurs menée sur cette dernière notion à travers la religion protestante notamment, puisque l’héroïne va s’y réfugier, s’y épanouir mais aussi se rendre compte de ces limites lors d’une scène saisissante à la prison. La force dramatique incroyable de cet oeuvre repose sur cette faculté à poser des questions pertinentes et profondes dans un récit en apparence simple mais également sur son actrice principale (Jeon Do-Yeon), dans un rôle très psychologique elle prouve qu’elle est une des plus grande actrice du moment (C’est elle qui était à l’affiche de The Housemaid cette année). Elle dégage toute une palette d’émotions, avec une force et une fragilité déconcertante, elle vous prend aux tripes, sa descente aux enfers est abominable, cruelle mais résonne pourtant tellement juste. Son personnage complexe et ses allusions saisissantes sur son passé, nous intrigue au premier abord mais nous gagne progressivement. Song Kang-Ho qui l’accompagne, garagiste du coin intéressé par la jeune femme, injecte au drame familial une petite touche de légereté, il confirme (s’il y avait encore besoin) qu’il est lui aussi un des plus grands acteur du moment (notamment remarqué dans « Thirst », « The host », « Le bon la brute et le cinglé »...). La réalisation épurée mais très jolie laisse apprécier la justesse incroyable des acteurs. La douce musique qui berce le film rajoute de sa superbe. Si on croit le réalisateur un peu perdu dans son traitement de la religion au milieu du film, il s’en sort au final avec les honneurs, donnant encore plus de poids à son intrigue par la suite. Surprenant parfois, le film distille avec beaucoup de lumière une histoire cruelle de deuil et de folie, attaché à cette femme pourtant difficile à cerner on est boulversé. Un sujet qui aurait pu tomber dans le mélo foireux s’il s’était plus concentré sur les évenements en question que sur la reconstruction d’une femme .. Magistral, voilà un grand film de plus au rayon sud-coréen, âmes sensibles s’abstenir même armées de mouchoirs...