Le 1er décembre 2025
Écrire la vie s’impose globalement comme un geste précieux : celui d’un cinéma qui croit profondément en la parole, en la jeunesse, en la possibilité d’apprendre en regardant et d’exister en racontant.
- Réalisateur : Claire Simon
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Survivance Distribution
- Durée : 1h30mn
- VOD : France.tv
- Date télé : 3 décembre 2025 21:05
- Chaîne : France 5
- Date de sortie : 29 avril 2026
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– Mercredi 3 décembre 2025 à 21h05mn sur France 5 et en VOD sur france.tv
Résumé : L’œuvre d’Annie Ernaux vue par des lycéennes et des lycéens.
Critique : Avec Écrire la vie, Claire Simon poursuit son travail d’observation des espaces où se construit la pensée collective. Depuis Récréations (1993) jusqu’à Apprendre (2024), en passant par Le Concours (2016), la cinéaste filme l’éducation comme un terrain de circulation des idées, des émotions et des transmissions. Son dispositif reste fidèle à une proximité presque sensorielle : la caméra se glisse au cœur du groupe, tout en demeurant discrète, comme un témoin bienveillant. Cette immersion donne à voir les mécanismes d’appropriation d’un savoir, et inscrit d’emblée le documentaire dans la continuité d’une œuvre qui interroge l’apprentissage, la parole et la façon dont un récit se transmet.
Le choix de filmer les échanges se développer dans leur durée constitue l’un des partis pris les plus marqués de la réalisation. Claire Simon adopte une temporalité étirée, proche du groupe de parole, où les élèves hésitent, bifurquent, s’interrogent. Cette approche favorise l’émergence d’une pensée sincère, mais elle entraîne aussi un alourdissement réel : certains segments semblent s’allonger sans nécessité dramaturgique, au point de diluer l’acuité des propos. Le film gagne en authenticité ce qu’il perd parfois en tension interne, et cette fluctuation peut troubler son équilibre.
Cette écriture visuelle caractérisée de Claire Simon entre dès lors naturellement en résonance avec l’écriture dite “plate” d’Annie Ernaux. En accompagnant les adolescents dans leur découverte de ses mots, le documentaire interroge aussi l’œuvre de la romancière elle-même. Rappelons ce que sa littérature porte de social, d’intime et de politique. Les textes convoqués – La Place, La Honte, Passion simple, L’Événement, Une femme – dessinent un parcours où honte sociale, transfuge de classe, condition féminine ou violences intimes trouvent un écho dans les expériences contemporaines. Les élèves s’en emparent avec une liberté désarmante : ils questionnent la dépendance amoureuse, le consentement, le féminisme, le rapport au deuil ou à la famille, chacun avec sa culture, ses doutes, ses références. Le film rappelle ainsi que la jeunesse n’a rien de naïf, et que ses analyses, parfois abruptes, sont essentielles pour comprendre ce que deviennent les récits d’hier lorsqu’ils passent entre les mains d’aujourd’hui.

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Ce dialogue entre générations constitue l’un des plus beaux gestes du film. Non seulement parce qu’il rend les textes d’Ernaux accessibles à ceux qui les méconnaissent, mais aussi parce qu’il affirme l’importance de transmettre ces récits, d’en éclairer la portée politique sans les figer. La pluralité des voix crée un entrelacs fascinant : réception des œuvres, débats suscités, confidences adolescentes, récits de vie qui se répondent et parfois se heurtent. Le documentaire devient alors un espace de rayonnement plus qu’un simple cadre pédagogique.
La dernière séquence rompt cependant cette immersion : l’intervention de Claire Simon, assumée mais inattendue, recentre l’attention sur une jeune aspirante écrivaine et brouille un instant la dynamique collective patiemment construite. Ce recentrement sur un individu fait glisser le geste documentaire vers quelque chose de plus personnel, presque introspectif, comme si la cinéaste se reconnaissait soudain dans l’élève mise en lumière. Le collectif, jusque-là moteur du film, se dissout alors au profit d’un écho intime qui peut sembler décalé, voire en contradiction avec le dispositif précédent. Une inflexion qui n’annule pas la cohérence du projet, mais qui laisse une impression de déséquilibre au moment où le film aurait pu s’ouvrir encore davantage.
Écrire la vie s’impose néanmoins comme un geste précieux : celui d’un cinéma qui croit profondément en la parole, en la jeunesse, en la possibilité d’apprendre en regardant et d’exister en racontant. Un documentaire qui rappelle que comprendre un texte, c’est aussi comprendre le monde dans lequel il continue d’agir.
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