Melancholia
Le 28 octobre 2015
Lanthimos poursuit son travail de dissection de l’espace social par l’absurde, avec The Lobster. Une recette efficace quoique harassante récompensée par le Prix du Jury à Cannes.


- Réalisateur : Yórgos Lánthimos
- Acteurs : John C. Reilly, Rachel Weisz, Colin Farrell, Ben Whishaw, Léa Seydoux
- Genre : Comédie, Drame, Science-fiction
- Nationalité : Britannique, Néerlandais, Grec
- Durée : 01h58mn
- Date télé : 29 octobre 2016 23:35
- Chaîne : Canal + Cinéma
- Date de sortie : 28 octobre 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015

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Lanthimos poursuit son travail de dissection de l’espace social par l’absurde, avec The Lobster. Une recette efficace quoique harassante récompensée par le Prix du Jury à Cannes.
L’argument : Dans un futur proche… Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme sœur. Passé ce délai, il est transformé en l’animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s’enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants : les Solitaires.
Notre avis : Yorgos Lanthimos le martèle jusqu’à l’écœurement : le commun des mortels peine à percevoir la logique du monde qui le gouverne, les contradictions et absurdités de la société qui l’environne. Comme Luis Buñuel et Salvador Dali l’affirmaient avant lui dans une séquence devenue culte d’Un chien andalou, notre regard est trompé quant à la véritable nature du réel, qu’il s’agisse d’esthétique ou même de politique. Pour faire fi de cette aliénation et échapper au conformisme ambiant, il serait ainsi nécessaire de reconfigurer notre rapport au monde. Problème : quoi que l’on fasse, il se révèle inutile de tenter de lutter contre l’ordre du monde. La solution, ô combien radicale mais aussi symbolique selon Lanthimos serait peut-être de nous ôter la vue pour espérer retrouver un semblant d’instinct. Et de beauté.
Dans The Lobster, la société est représentée comme un amalgame d’espaces coercitifs. Un univers où le moindre geste dérogeant aux règles imposées par la société rapproche un peu plus de la mort. Au sein de ce monde totalitaire, les célibataires ne sont pas tolérés, c’est pourquoi on les enferme manu militari et on les force à trouver une compagne ou un compagnon sous 45 jours. Passé ce délai, ceux –ci se retrouvent alors transformés en l’animal de leur choix – par exemple un homard –, puis abandonnés dans la nature. Or, la meilleure façon de trouver chaussure à son pied et ainsi d’échapper à ce funeste destin s’avère le mensonge. Cette personne a priori avenante saigne régulièrement du nez, alors pourquoi ne pas feindre cette pathologie pour la séduire ? Pour Yorgos Lanthimos, si l’ordre social imposé par la loi ou intériorisé par l’Homme est intrinsèquement coercitif, l’être humain partage également une part de responsabilité. Conscient de ces obligations arbitraires, ce dernier les utilise à son avantage pour avancer. De telle sorte que rien ou presque ne serait spontanée et désintéressée dans les relations sociales - même l’amour, contraint au travestissement dans pareil contexte.
Déjà avec [Canine-12310] et Alps – simili Holy Motors, Lanthimos tenait ce genre de discours, avec d’un côté le totalitarisme de la famille puis de l’autre celui du quotidien. Si The Lobster s’impose probablement comme le meilleur film de ce cinéaste de la nouvelle vague grecque, difficile de ne pas lui reprocher son systématisme. Certes, la mise en scène est brillante, s’autorisant parfois des ralentis baroques romantiques que ne renieraient pas Lars Von Trier. Certes, la photographie et la gestion de cette lumière lugubre caractéristique force le respect, tant dans sa composition que dans son cadrage. Mais en dépit de quelques plans bouleversants et d’un casting impressionnant, Lanthimos ne parvient toujours pas à se renouveler. La facilité déconcertante avec laquelle il dénonce l’oppression de la vie conjugale, ou la façon dont l’ordre social détourne le monde des bienfaits de l’existence… tout ça est très pertinent et d’un nihilisme lyrique absolu. Seulement, on peine à voir comment son cinéma peut continuer sur cette lancée, qui tourne sérieusement à l’anaphore – l’on préférera à ce titre le travail accompli par Alex Wan Warmerdam avec Les habitants ou Borgman. Le second problème est que l’aridité de la mise en scène risque de laisser de trop nombreux spectateurs sur le carreau, qui lui préféreront pour ne donner qu’un exemple Matrix, a priori moins radical. Reste que The Lobster est incontournable, et vaut d’être vu ne serait-ce que pour Colin Farrell, méconnaissable, et tous ces clones incapables de sourire autrement que sur commande. Belle métaphore d’un monde fait de diktats.
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