Le 5 juin 2025
Palpitante chronique entrepreneuriale qui dévie vers le thriller horrifique décapant dans sa seconde partie. L’un des sommets de cinéma de Kiyoshi Kurosawa.


- Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
- Acteurs : Yutaka Matsushige, Masataka Kubota, Kotone Furukawa, Maho Yamada, Mutsuo Yoshioka, Masaki Suda, Daiken Okudaira
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action, Épouvante-horreur, Survival
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 2h03mn
- Titre original : Kuraudo
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 4 juin 2025

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Résumé : Ryosuke plaque tout pour vivre de la revente en ligne. Mais bientôt, certains clients menaçants resserrent l’étau autour de lui sans qu’il en comprenne les raisons. Son rêve d’indépendance vole en éclats. Dans un Japon hyperconnecté, fuir est impossible. Surtout quand on ignore les règles du jeu.
Critique : Le distributeur Art House propose ce film de Kiyoshi Kurosawa dans nos salles françaises, une semaine après Chime, moyen métrage du réalisateur, qui passait avec brio de la chronique professionnelle (des leçons de cuisine) à l’épouvante. Cloud propose une autre rupture de genre en milieu de récit, mais nous demanderons au lecteur n’ayant pas encore vu le long métrage de ne pas lire ce qui suit, afin de ménager l’effet de surprise. Qu’il sache seulement que Cloud est un sommet narratif et visuel dans l’œuvre de Kiyoshi Kurosawa, qui comporte déjà plusieurs pépites, de Cure à Invasion. Librement inspiré d’un fait divers et de l’expérience professionnelle d’un ami du cinéaste, Cloud démarre comme un semi-documentaire sur le quotidien d’un revendeur en e-commerce. Ryosuke (Masaki Suda, subtil dans un rôle difficile) peut être considéré comme un membre de la classe moyenne souhaitant s’enrichir facilement, en utilisant les nouveaux outils numériques. Les marchandises qui sont au centre de ses échanges (sacs à main, figurines) sont certes issues de l’ancienne économie mais Ryosuke n’en a cure, tant il parvient à dégager des marges solides, au gré de la volatilité des prix.
- © 2024 Cloud Film Partners. Tous droits réservés.
Sans être illégales, ses activités ne relèvent pas toujours d’une éthique exemplaire, surtout quand il s’agit de berner de crédules internautes. Et c’est là que la seconde partie casse un déroulement bien huilé avec une bande de clients mécontents souhaitant rien de moins que sa mort violente... Revisitant un genre policier qu’il n’avait quasiment pas abordé depuis le somptueux diptyque Shokuzai - celles qui voulaient se souvenir et Shokuzai - celles qui voulaient oublier, Kiyoshi Kurosawa évite à nouveau la voie d’un polar nippon traditionnel. Il déclare ainsi dans le dossier de presse : « L’un des principaux objectifs que je me suis fixé était de m’éloigner des protagonistes typiques des films d’action japonais, exposés à la violence dans leur vie quotidienne. Il aurait été trop facile de représenter par exemple des gangsters yakuzas ou mafieux, la police ou l’armée. Je savais que ce film devait être différent, et c’est ce qui a fait de ce projet un long processus d’essais et d’erreurs. Ce n’est que plusieurs années après avoir commencé à y réfléchir - et après plusieurs tentatives pour lui donner forme - que j’ai décidé d’utiliser cette affaire de meurtre. »
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Le résultat est saisissant, et le cinéaste propose une réflexion appréciable sur les rapports entre le réel et le virtuel, sans toutefois explorer la veine fantastique de Real. Simplement, l’univers du numérique de la première partie comporte des dimensions matérielles (la présence de la petite amie dans l’appartement, les cartons à stocker, les commerçants à démarcher, les livraisons) ; tandis que la seconde partie, très physique, est jouissivement métaphorique (la traque cauchemardesque, prolongement du harcèlement en ligne). De même, Kurosawa oppose, sans manichéisme, urbains et ruraux, diplômés et exclus, avec la vengeance d’une horde de losers qui pourraient être les descendants ou cousins éloignés des inquiétantes créatures de Massacre à la tronçonneuse, Fargo ou As Bestas. La mise en scène, à la fois épurée et incisive, est au service d’un récit efficace dans lequel les protagonistes ont tous des zones d’ombre. C’est le cas de l’ambiguë fiancée, dont on se demande si elle est femme fatale manipulatrice ou ingénue exploitée ; ou de ce banal mais intrigant jeune assistant (excellent Daiken Okudaira), transformé en ange protecteur redoutable... On l’aura compris : Cloud est un pur bonheur, l’un des ces films qui mérite plusieurs visions pour apprécier davantage ses qualités et sa démarche de mise en abyme.
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