Tom Hanks chez les Soviets
Le 7 octobre 2020
Steven Spielberg revient aux valeurs essentielles qui ont toujours composé son cinéma, sans se départir d’un certain formalisme qui devient pesant.
- Réalisateur : Steven Spielberg
- Acteurs : Tom Hanks, Amy Ryan, Sebastian Koch, Alan Alda, Mark Rylance, Burghart Klaußner, Eve Hewson, Peter McRobbie, Austin Stowell, Scott Shepherd, Jesse Plemons, Billy Magnussen, Noah Schnapp, Domenick Lombardozzi
- Genre : Drame, Thriller, Historique, Espionnage
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 2h12mn
- Date télé : 3 décembre 2024 23:33
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 971 125 entrées France / 321 953 entrées P.P.
- Titre original : Bridge of Spies
- Date de sortie : 2 décembre 2015
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Résumé : James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé.
Critique : Après son très consensuel Lincoln, Steven Spielberg a traversé une période de doute. Comment continuer à présenter ses idées et à défendre sa conception du cinéma face aux nouvelles contraintes que lui impose une industrie hollywoodienne dans laquelle il ne se reconnait plus ? Après avoir mis de côté son projet futuriste Robopocalypse et avoir repoussé un éventuel Indiana Jones 5, il s’est intéressé à la carrière surprenante d’un brillant avocat new-yorkais, James B.Donovan, homme de loi spécialisé dans les assurances, qui s’est retrouvé presque malgré lui à défendre un espion russe et à travailler avec la CIA en pleine Guerre Froide.
- © 2015 Twentieth Century Fox
Accompagné des frères Coen au scénario et de son acteur fétiche Tom Hanks pour le rôle titre, Spielberg plonge son spectateur dans la paranoïa, mettant toute sa virtuosité au service d’un récit historique, offrant un sujet captivant à son 28e long-métrage.Magistrale, la scène d’ouverture donne le ton en suivant un homme aux multiples visages. Est-ce un espion, un peintre, un simple promeneur ? En réalisant son autoportrait, restant bien calme entre ses couleurs et ses pinceaux, cet homme représente Steven Spielberg lui-même, qui propose un cinéma plus personnel, sobre mais élégant, dans lequel il exprime ses craintes pour l’avenir et ses peurs les plus profondes. Le film tout entier se distingue par son intelligence, par sa finesse de ton et d’esprit, grâce à des petits détails et des symboles d’une grande virtuosité qui montrent que, malgré le fait qu’il soit à un carrefour de sa carrière, Spielberg reste bien l’un des plus grands réalisateurs au monde.
- © 2015 Twentieth Century Fox
Après ce premier plan qui devrait vous clouer devant votre écran et qui se transforme rapidement en une haletante scène de filature, le film distille un scénario touffu, entre espionnage et film de guerre, mais avec un soupçon d’humour qui rend l’ensemble plus léger. Et parce que Spielberg n’aime rien tant que les héros ordinaires et les histoires vraies, qui lui permettent de promouvoir ses valeurs humanistes et son désir de paix, le long-métrage est attachant grâce au parcours d’un homme ordinaire pris dans les méandres de l’Histoire - où l’on découvre l’atmosphère pesante qui régnait pendant la Guerre Froide et où le spectateur, médusé, revivra la construction du Mur de Berlin.
- © 2015 Twentieth Century Fox
Plein de bonnes intentions, le film est certes virtuose, intelligent et d’une qualité d’image remarquable, mais très classique, au point d’en être parfois trop académique (pour plaire à l’Académie ?). Captivant mais sans surprise, dense mais ludique, il se retrouve rapidement confronté à la tentation de l’ethnocentrisme inhérent à de nombreuses productions américaines, qui nous parait toujours légèrement indigeste. Le Pont des Espions n’échappe pas au manichéisme, ni au patriotisme exacerbé : prisonniers russes mieux traités dans les prisons américaines que le contraire, usage ou non de la torture... Il est bien dommage que Spielberg n’ait pas échappé à la publicité moraliste des grandes valeurs "américaines" telles que la liberté et la justice, que d’autres pays que le sien ne partageraient pas.
© 2015 Twentieth Century Fox
Des séquences impressionnantes telles que celle d’un crash aérien feraient ainsi passer le film pour une vraie pépite du début à la fin, s’il n’y avait pas d’autres instants plus contestables, comme le portrait des proches de James B.Donovan, prototype de la famille parfaite qui plonge Le Pont des Espions dans les clichés hollywoodiens des films à popcorn.
Le jeu des acteurs est aussi à double tranchant. Tom Hanks est certes impeccable, mais son interprétation est sans originalité. Ou quand il est gênant que Tom Hanks fasse du Tom Hanks, se faisant voler la vedette par un Mark Rylance exceptionnel en espion russe peu loquace mais qui va droit à l’essentiel, crevant littéralement l’écran par sa sobriété.
- © 2015 Twentieth Century Fox
Film de pouvoir essentiel dans la filmographie d’un réalisateur qui y déploie son génie de la mise en scène pour une véritable immersion en pleine Guerre Froide, Le Pont des Espions se distingue par une histoire puissante, un sens de l’esthétisme à toute épreuve mais surtout par les grands principes qu’il évoque et par le débat qu’il entraine. Faut-il avoir peur ? Et si oui, de qui et de quoi ? Est-il nécessaire de s’engager ?
Edmund Burke disait : "Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien". C’est le grand message de ce film : James B.Donovan s’est engagé, a agi selon sa conscience et s’est impliqué corps et âme dans son combat pour la paix. Son parcours pourrait bien devenir une source d’inspiration, dans les grandes épreuves que traversent nos sociétés contemporaines. A méditer ; si le cinéma peut encore changer le monde.
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