Les noces funèbres - Tim Burton - critique

Critique : Après Wallace et Gromit, voici une seconde merveille animée pour ce mois d’octobre 2005, elle aussi bien loin de la haute technologie des studios Pixar et Dreamworks. Une comparaison qui s’arrête là tant le film de Tim Burton, dans la directe lignée de L’étrange Noël de Mr. Jack, est loin de l’humour nonsense et foisonnant des héros de Nick Park. Place ici à l’humour noir, aux décors gothiques, romantiques, et à une virtuosité visuelle qui fait de chaque plan de ces Noces funèbres un tableau rappelant tour à tour Bacon ou Bosch.
L’histoire de Victor (visuellement tout droit sorti de Sleepy Hollow, jusqu’à la voix de Johnny Depp), embarqué chez les morts contre son gré, est prétexte à une sarabande macabre très cabaret-club en bas - chez les morts, jamais tant vivants qu’il ne leur reste que les os - et à une peinture de la vie d’en haut monotone, grise, en quasi noir et blanc. Quand les vivants se cherchent querelle, se taclent dans le dos, accompagnés à l’orgue, aux horloges ou, au mieux, au piano lancinant, en bas, c’est jazz, ça swingue, on s’éclate, on se fend la poire - ou ce qu’il en reste. Aussi rigole-t-on beaucoup de cette opposition peu commune d’une mort bon enfant et d’une vie plutôt barbante. Burton fait sortir des profondeurs de la terre un humour très noir, mais haut en couleurs, et invente une société du "dessus" puritaine, collet monté très haut et costards trop serrés, mais tout aussi hilarante tant elle est ridicule.
L’histoire de Victor, c’est aussi, et surtout, une histoire d’amour, celui qui l’attire vers sa promise vivante, et celui, fatal, qui l’unit à sa morte épouse. Derrière ce dilemme, Burton raconte la solitude, celle de la morte loin de l’amour, finalement au cœur plus humain que bien des humains. Il raconte aussi l’attirance de la mort, de son imaginaire tout du moins, plus proche des aspirations poétiques du héros. Dans cette confrontation entre l’amour à mort ou l’amour à vie, c’est toute la problématique du sacrifice qui est renversée : Faut-il vivre ou mourir, aimer la morte à jamais et mourir ou aimer la vivante et vivre dans le monde "réel" avec son ciel gris et ses gens ennuyeux ?
La réponse apportée, (peut-être) surprenante, est prétexte à une aventure aux envolées hilarantes et dotée d’une sensibilité que peu de films en vraie chair et en vrais os atteignent. Les noces funèbres conforte l’aura de Tim Burton conteur cinématographique. La preuve, après la déchirure provoquée par Charlie et la chocolaterie à la rédaction, cette fois-ci, tout le monde est convaincu. À mort.

Le DVD

Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Déception de mise avec cette édition plus que légère du dernier petit bijou de Tim Burton. Au programme, un making of relativement superficiel segmenté en plusieurs petites featurettes. Certes, le rythme est dynamique (en moyenne cinq minutes le module), mais que les propos sont plats - on dirait du Tom Cruise par moment. Reste que vous vous ferez quand même une petite idée du travail accompli avec une approche sur la conception des marionnettes, la vision artistique de Tim Burton, la musique de Danny Elfman, et les doublages par les stars hollywoodiennes. L’un des petits sujets confirme d’ailleurs que, étrangement, elles enregistrent seules la partition de leur personnage. Un véritable exercice de style en somme.

Image & son : La perfection initiée par Warner ! Cette édition se joue des codes couleur instaurés par Burton avec une facilité déconcertante. On passe d’un univers spectral au monde bariolé des morts sans le moindre accroc. Impressionnant ! Idem pour le Dolby Digital 5.1 dont la clarté mise en œuvre pour ce film est un vrai bonheur.