Le 23 septembre 2024
Viêt and Nam est une œuvre majeure dans le cinéma vietnamien contemporain, tout droit sortie de l’imaginaire d’un tout jeune réalisateur, Minh Quý Trương. Un film aussi important que stupéfiant de beauté.
- Réalisateur : Minh Quý Trương
- Acteurs : Thanh Hai Pham, Duy Bao Dinh Dao, Viet Tung Le, Thi Nga Nguyen
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Français, Allemand, Italien, Suisse, Vietnamien, Néerlandais, Singapourien, Philippin
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 2h09mn
- Date de sortie : 25 septembre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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Résumé : Nam et Viêt s’aiment. Tous les deux travaillent à la mine de charbon, à mille mètres dans les profondeurs de la terre. Alors que Nam rêve d’une vie meilleure, un mystérieux chaman lui promet de retrouver la dépouille de son père, soldat disparu lors de la guerre du Vietnam. Avec sa mère, et l’aide de Viêt, il se lance dans cette quête, pour retrouver les fantômes du passé.
Critique : C’est un endroit confiné, sombre, avec des pluies d’étoiles qui balayent le visage des deux garçons. Non, nous ne sommes pas pas dans un paradis perdu sorti de n’importe quel imaginaire. L’action commence dans une mine de charbon où les poumons des ouvriers s’encrassent des explosions continuelles et de la poussière, et où les maladies réduisent l’espérance de vie. Viêt and Nam s’ouvre sur ces deux visages angéliques, Viêt d’un côté, et Nam de l’autre, qui tentent une réconciliation impossible entre le Nord et le Sud, après ces années de guerre qui ravagent encore le cœur des hommes.
- Copyright Nour films
Voilà un premier film vietnamien, interdit d’ailleurs dans son pays d’origine parce que soit-disant trop dur selon les autorités, d’une maturité hors du commun. Le jeune réalisateur ne s’intéresse pas tant à une histoire d’amour entre deux hommes, qu’à un pays en construction qui peine à se défaire des presque vingt ans de barbarie où les Américains ont littéralement assassiné toute une génération de jeunes combattants, enterrés à la va-vite pour les plus chanceux, ou abandonnés comme des animaux au milieu de la jungle. Viêt and Nam donne à voir pendant plus de deux heures la beauté de l’amour et la mélancolie inconsolable de tout un peuple traumatisé par la guerre, et ce dans un même film. Le spectateur se perd parfois dans une narration complexe, virevoltante, où la question de la fuite et de la renonciation hantent les personnages.
Viêt and Nam s’affiche comme un long-métrage d’une maîtrise esthétique et narrative stupéfiante. Le réalisateur, Minh Quý Trương, fort de cette première expérience de cinéma, se plonge dans une odyssée historique et sentimentale totalement bluffante. Chaque plan semble tout droit sorti d’une peinture romantique, sans jamais pour autant céder à la complaisance intellectuelle et esthétique. Le film va droit au cœur du spectateur en empruntant avec beaucoup de nuance et sensibilité, les tourments de la population vietnamienne, embarquée dans un communisme aussi délétère que l’emprise de l’Occident dans l’économie de l’Asie.
Minh Quý Trương aborde son récit dans une lenteur et un sens de l’émotion propres à la poésie. Il offre un long-métrage qui donne droit au spectateur le droit de se perdre avec les personnages dans un destin complexe. La mise en scène rejette toute forme d’extravagance, d’esbroufe, allant à l’essentiel des relations qui se nouent entre les individus, enfermés dans une détresse qui s’évoque à demi-mots. La manière dont le réalisateur filme les gestes d’amour entre les deux garçons témoigne d’une grande prudence et d’une immense dignité pour appréhender l’homosexualité qui, d’ailleurs, ne constitue absolument pas le thème principal de la fiction.
- Copyright Nour films
Le récit s’étend ainsi dans l’intimité psychologique des personnages, où chacun est invité à pardonner, à se consoler, et à se résigner à vivre toujours et encore. L’apparent dépouillement de la mise en scène renferme en réalité une très grande densité des émotions, que chaque protagoniste peine à exprimer. Les caresses sur la joue des garçons semblent la meilleure illustration d’un amour qui n’a pas besoin de myriades de paroles pour exister et perdurer à travers les tempêtes de l’océan.
Si la section "Un certain Regard" a permis en 2024 à Viêt and Nam de sortir de l’anonymat, on peut regretter que le jury ne l’ait retenu au palmarès. Pourtant, le film révèle au grand jour un créateur, Minh Quý Trương, qui a autant du cinéaste que de l’écrivain dans sa manière de mettre en scène le destin du Vietnam. Le film répare, tout en révélant, dans une langue sobre et délicate, le vacarme intérieur du monde. Voilà un film qui grandit le cinéma asiatique et donne à penser la manière dont les jeunes générations vont tenter de s’approprier l’histoire de leur pays.
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