Le 10 décembre 2025
- Réalisateur : Amine Adjina
- Distributeur : Pyramide Distribution
– Sortie en salle : 10 décembre 2025
Nous avons échangé avec le réalisateur de ce premier film généreux, qui a eu les honneurs d’ouvrir le Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz.
Ce qui interpelle avec votre film, c’est qu’il y est beaucoup question de cuisine. Or celle-ci n’y est que rarement montrée. Comment l’expliquez-vous ?
La cuisine n’est certes pas filmée tout le temps, mais elle demeure au cœur du récit. Ce qui m’importait dans cette histoire qui touche à la question franco-algérienne, c’était de montrer la cuisine dans sa dimension de mémoire, de culture, de ce qui est partagé ou pas, de ce qui est transmis ou non. Donc l’idée n’était pas de voir ce personnage cuisiner en permanence mais de voir comment la cuisine le travaille, comment elle vient agir comme un révélateur sur lui. Donc si la cuisine ne sert pas de décor, elle est l’endroit où se situe le point saillant du manque chez Mehdi qui s’est habitué à compartimenter sa vie professionnelle, familiale et amoureuse. La cuisine va l’aider à concilier ces mondes qui le constituent.

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Justement, vous montrez à quel point il est nécessaire de toujours faire un pas vers les autres afin de les comprendre. Au début du film, les personnages campent sur leur position. Mais dès qu’ils font un pas vers l’autre, la situation peut se désamorcer…
C’est à l’image de la société contemporaine et cela se décline dans de nombreuses histoires familiales, que l’on soit d’une double culture ou pas. Ce qui est important pour moi, c’est de rendre aux personnages toute leur complexité. C’est quoi la difficulté pour une mère algérienne d’avoir des enfants dans un pays qui n’est pas le sien ? Quelle responsabilité de transmission peut-elle ressentir ? Comment peut-elle veiller à ce que son histoire soit partagée et transmise ? Cette mère a cette angoisse-là. D’autant plus que son mari est mort. Cela me permet de parler de cette immigration de travail où des étrangers sont venus en France et ont entrepris des travaux difficiles dans les années 1960, à l’usine ou à la mine, au péril de leur santé. Cette femme a perdu son mari et a peur de perdre ses enfants. C’est la raison pour laquelle elle ne cesse de faire un pas vers sa famille. Mais ce déplacement doit s’effectuer de tous les points de vue. Notre regard doit se déplacer sur ces parcours de personnes qui se sont expatriées. En présentant le film dans des festivals ou lors d’avant-premières, j’ai constaté à quel point les spectateurs étaient touchés par cette mère et par son parcours qui a été compris de manière sensible. Même si cela lui coûte, elle bouge pour ses enfants. Encore une fois, il est important de faire entendre ces parcours-là. C’est un film de mouvement. Et tout le monde doit se déplacer.

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Ce film joue sur les notions de mensonge et de vérité. En l’occurrence, le mensonge amène beaucoup de comédie, et la vérité amène beaucoup d’émotion. Vous êtes d’accord ?
C’est très juste. Je crois beaucoup qu’il y a une vérité qui peut se dégager dans le faux. C’est toute la question du jeu qui consiste à faire semblant, et entretient donc un rapport au faux. Mais parfois, quand c’est fait avec sincérité, cela produit une vérité qui peut amener beaucoup d’émotion. Quand Mehdi fait une déclaration à sa fausse mère comme si c’était la vraie, cette fausse mère reçoit cette déclaration comme si elle était la vraie mère… C’est un moment de bascule car elle se prend au jeu et ne souhaite plus quitter ce rôle-là. Ce qui m’intéresse dans cette idée du mensonge, c’est qu’il implique parfois une notion de survie, de préservation, jusqu’à ce qu’un rapport de vérité arrive. Au début du film, Mehdi a un problème avec sa mère, et quand le film se finit, il se retrouve avec deux mères (rires). Le mensonge est un ressort de comédie formidable, au cinéma comme au théâtre. Et dans le mensonge, il y a toujours une vérité qui s’exprime. Et dans cette vérité, il y a des histoires personnelles qui sont racontées.
Et comment avez-vous pensé l’esthétique très colorée de votre film, ainsi que sa musique, composée par Amine Bouhafa ?
Pour moi, l’esthétique nourrit un rapport politique aux choses. La couleur permet d’imprimer la rétine du spectateur. Le rouge du bistrot imprime sa vision. Tout comme le bleu du bar de Souhila. Cela crée des images mentales. On avait comme souci de travailler cette dimension là. Les décors devaient être pensés comme des personnages. On est donc parti sur des couleurs très chaudes, qui apportent une grande dimension de cinéma. Les costumes aident aussi à définir les personnages, notamment la fantaisie de la fausse mère, ou le baroque de l’appartement de Fatima qui apparaît comme une femme en majesté.
Concernant la musique, selon moi, Amine est un génie. D’emblée, on ne voulait pas une musique de comédie. Elle devait exprimer ce que le personnage n’arrive pas à nommer. Les thèmes sont assez mélancoliques. Il y a une dimension émotionnelle très importante. Amine pense la musique comme un élément de mise en scène. Elle ne colore pas les scènes : au contraire, elle parle vraiment. Nous avons aussi ajouté des musiques existantes qui puissent poursuivre le dialogue entre la France et l’Algérie.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Galerie photos
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