Le 2 décembre 2025
- Réalisateur : Nathan Ambrosioni
- Distributeur : StudioCanal
- Date de sortie : 3 décembre 2025
- Festival : Festival d’Angoulême 2025
– Sortie en salle : 3 décembre 2025
Nathan Ambrosioni s’est longuement confié à nous lors de la présentation de son film Les enfants vont bien au Festival du Film Francophone d’Angoulême.
Après Les drapeaux de papier et Toni en famille, Nathan Ambrosioni fait à nouveau preuve d’une sincérité, d’une justesse et d’une délicatesse infinie avec son troisième long métrage, Les enfants vont bien. Nous avons eu le privilège de nous entretenir longuement avec le jeune réalisateur lors du Festival du Film Francophone d’Angoulême, où il a reçu le prestigieux Valois de diamant.
Ce film continue d’explorer des thèmes de votre cinéma, la famille, les femmes, le lien aux autres, mais vous abordez ces thématiques sous un angle nouveau : la disparition volontaire ! Un phénomène rarement montré au cinéma…
Ce qui est dramatique avec de telles situations, c’est qu’elles engendrent un deuil impossible car les disparus ne sont pas morts, ils ne sont donc ni au cimetière, ni dans les cieux pour ceux qui y croient. Cette interrogation empêche la réconciliation, la reconstruction. Je voulais faire un film qui essaie d’interroger cette reconstruction et comment, malgré tout, grâce à la force du lien, à la fatalité de cette situation, ces personnages vont réussir à créer quelque chose ensemble. Le film est comme un drame inversé. On ouvre sur une situation dramatique, puis on va vers la lumière, vers la tendresse.
L’autre originalité de votre film, c’est qu’il questionne la notion de « faire famille ». Ces enfants n’ont pas envie de vivre chez leur tante, qui elle-même n’a pas envie de s’occuper d’eux. Et pourtant, ils vont s’inventer leur propre famille…
Je voulais faire un film qui interroge comment on construit quelque chose malgré l’absence, malgré un manque. Les enfants vont bien est en quelque sorte un film de fantôme. C’est une œuvre habitée par un personnage qui n’est pas là mais va infuser, habiter le film malgré son absence. Ces personnages attendent et doivent combler un vide. Je tenais à ce que le film soit très quotidien, très simple dans ce qu’il raconte. Il ne fallait pas créer des péripéties pour créer des péripéties. Au contraire, il fallait qu’on s’attache aux personnages, que le film soit à leur rythme, et que la maternité soit racontée sous différentes formes. Il y a le personnage de Suzanne, joué par Juliette Armanet, qui n’accepte plus cette maternité et confie ses enfants à sa sœur Jeanne, interprétée par Camille Cottin, qui n’a jamais voulu être mère et a même quitté son ex-femme parce qu’elle voulait justement avoir des enfants. Le film parle de toutes ces maternités croisées, avortées, défaites, imposées. Il n’y a pas de fausses promesses non plus. Les enfants n’ont pas envie d’être chez leur tante. Et elle-même leur fait comprendre qu’elle attend que sa sœur revienne les récupérer car elle n’a ni le temps, ni l’envie de s’occuper d’eux. Et eux-mêmes ont envie que leur mère revienne. Alors que fait-on de cette contrainte ? Comment l’accepte-t-on malgré tout ?

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Vous avez 26 ans. Comment faites-vous pour faire preuve d’autant de justesse et de maturité dans votre écriture ?
Je me suis beaucoup documenté sur les disparitions volontaires. Cette documentation préalable m’a beaucoup aidé car je me suis entretenu avec des policiers, des juges, des avocats, des assistants sociaux, des psychologues pour enfants et ils m’ont tous raconté tellement de choses authentiques et vraies. J’avais besoin de ce pragmatisme. Les policiers que j’ai interrogé m’ont affirmé que lorsqu’une personne leur signale la disparition d’un proche qui a laissé un mot, ils ne peuvent rien faire car le disparu a choisi ce départ. Lorsqu’on confie ses enfants à sa sœur avant de disparaître, ce n’est pas un abandon puisque les enfants sont en sécurité. Je trouvais tout cela assez fou. D’où la nécessité de me servir de cette absurdité administrative, de ce vide juridique qu’il y a autour des disparitions volontaires afin de construire le récit de façon pragmatique. Après cela, il fallait créer des personnages qui puissent exprimer l’humanité de ces rencontres. Tous les policiers que j’ai rencontré m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas aider juridiquement les proches de personnes qui font le choix de disparaître volontairement. Mais tous m’ont affirmé qu’ils essayaient de faire quelque chose d’un peu personnel pour aider ces familles. Ils ne pouvaient pas les laisser dans un tel désarroi. Je trouvais cela hyper fort. L’humain finit par prendre le dessus sur l’administratif et le juridique. L’humain va au delà des lois. Cela devait être l’un des matériaux du film.
Votre mise en scène est à la fois sobre et élégante. C’est ainsi que vous l’avez pensé ?
Au moment de l’écriture, je regardais beaucoup de films de Kore-eda. Nobody Knows demeure l’un de mes préférés. Tout comme Une affaire de famille. Son œuvre est tellement forte. Il n’essaie jamais de prouver quoi que ce soit lorsqu’il met en scène. Et pourtant, il nous communique tout. J’ai aussi beaucoup pensé au cinéma d’Edward Yang, ou de Kenneth Lonergan avec Manchester By the Sea qui me touche particulièrement car la mise en scène n’essaie pas de nous imposer un sentiment. Elle se contente de trouver sa place. J’en parlais beaucoup avec mon chef opérateur. On se questionnait sur les sentiments qu’on voulait raconter. Il ne fallait pas aller au delà du récit. Je voulais quelque chose de beaucoup plus formel que Toni, en famille qui était un vrai film de personnage où je voulais qu’on oublie la mise en scène. Ici, chaque plan devait raconter l’absence de cette sœur. D’où un cadre constamment un peu plus large pour raconter qu’il manque quelqu’un dans ce cadre. Les plans sur Suzanne devaient aussi montrer qu’elle n’est déjà plus là, qu’elle est déjà partie, que c’est déjà un fantôme. Puis le cadre se resserre peu à peu au fil du film, la lumière change aussi, les saisons influent sur les personnages. Il était nécessaire de penser le film sous tous ses aspects, notamment sur un plan formel, en cherchant une image, un cadre qui s’adapte au récit, qui raconte l’absence, qui raconte les personnages, mais sans aller plus loin que nécessaire. J’avais envie d’un film qui se calme malgré le chaos que vivent ces personnages.
Un mot sur Camille Cottin, que vous retrouvez après Toni, en famille ?
Camille est une immense actrice. J’adore la filmer. Toni, en famille était une comédie dramatique et j’avais dû couper certaines de ses propositions de jeu qui ne correspondaient pas au ton du film. Mais j’ai beaucoup vécu avec elle sur le plateau et je voyais son intériorité, comment elle incarnait ses silences. Même si cela n’avait pas sa place dans le film, il fallait que je puisse l’explorer. J’ai donc écrit Les enfants vont bien pour elle, pour l’amener vers quelque chose de plus taiseux, de plus intérieur. C’est une actrice de silence. Il se passe tellement de choses dans ses yeux quand elle ne dit rien. Elle est fascinante. On lui a offert beaucoup de rôles excentriques suite à son interprétation de Connasse où elle est incroyable, mais elle sait faire bien autre chose tant elle possède une vraie finesse de jeu.

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Et Juliette Armanet, qui confirme qu’elle est une grande actrice après son interprétation dans Partir un jour ?
Juliette est une chanteuse que j’aime beaucoup, dont j’écoute les disques, et que je suis allé voir en concert avec Camille qui me l’a présenté dans sa loge. En les observant, j’ai constaté qu’elles étaient comme des sœurs. J’ai alors compris que Juliette devait jouer le rôle de Suzanne. Elle a lu le scénario et m’a dit oui deux jours plus tard. Ce qui est génial, c’est qu’elle est une actrice de 40 ans mais avec la fraîcheur et l’humilité d’une comédienne de 18 ans. Sur le plateau, elle était curieuse de tout. Elle cherchait à comprendre comment on tourne une séquence avec une voiture travelling (rires). Elle a une curiosité peu commune avec les autres actrices. Et puis cette mélancolie, cette profondeur, cette humanité dans ses yeux qui me bouleversent. Un vrai visage de cinéma en somme. De plus, ce personnage étant incarné par une personnalité que le public connaît et apprécie, je savais que les spectateurs allaient attendre son retour durant tout le film.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec les deux enfants, absolument prodigieux de naturel, qui sont au centre du récit ?
On avait l’obligation légale de tourner trois heures par jour alors qu’il y avait parfois des scènes de cinq pages. Cela a été vraiment sportif, un contre la montre permanent assez stressant mais néanmoins joyeux car ils ont été formidables tout le long du tournage. J’ai horreur de cette phrase qui affirme que le pire sur un tournage, ce sont les enfant et les animaux. Comment peut-on procéder à une telle comparaison ? Les enfants sont des êtres intelligents et il faut les traiter comme tel. J’ai dû voir cinq cents enfants en casting avant de trouver ces deux-là. Ils avaient une telle compréhension du texte, ils connaissaient le scénario par cœur. Je tenais à ce qu’ils s’amusent beaucoup car ils ne sont pas censés travailler. Tout a été fluide. Ils comprenaient toujours tout et vite. Ils savaient cerner l’enjeu de chaque situation. Ils ont été des collaborateurs formidables.
Et enfin, avez-vous déjà une idée pour votre prochain film ?
Je suis en écriture mais je ne peux pas en dire grand-chose car cela va sûrement évoluer. Ce sera encore un film sur la famille et qui abordera à nouveau le rapport à la maternité mais sous un angle plus adulte, car il n’y aura pas de jeunes enfants. J’ai envie de questionner ce que l’on fait de la famille lorsqu’on devient adulte, indépendant, et qu’on a le choix de mener la vie que l’on souhaite.
Propos recueillis par Nicolas Colle
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