Le 8 décembre 2025
- Réalisateur : Benoît Delépine
- Distributeur : Ad Vitam
- Festival : Arras Film Festival 2025, Festival du film de Sarlat 2025
– Sortie en salle : 10 décembre 2025
Nous avons échangé avec le cinéaste lors du Festival de Sarlat à l’occasion de la présentation de son film burlesque et poétique.
Avant de retrouver son fidèle compagnon de route Gustave Kervern, le cinéaste Benoît Delépine s’est offert une parenthèse solitaire pour réaliser un projet tout personnel dans sa Picardie natale. Nous avons pu nous entretenir avec le réalisateur lors du Festival de Sarlat.
Nous avons l’habitude de vous voir accompagné de votre fidèle comparse, Gustave Kervern. Pourtant vous assumez seul la réalisation de ce film. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
En vérité, avant de me lancer dans Animal Totem, Gustave et moi-même travaillions sur un nouveau projet de film, Dada, avec Catherine Deneuve et Bastien Bouillon. Ils devaient tous deux incarner une mère et son fils à la tête d’un cirque en déshérence en plein Paris mais allaient reprendre pied en organisant un défilé hors norme. Nous avions travaillé sur l’écriture pendant deux ans et nous avions même effectué des repérages, mais il nous a manqué l’aide du service public. Notre budget était de quatre millions d’euros… et nous n’avons pu réunir que trois millions. C’est d’autant plus dommage que nous étions accompagnés par un solide distributeur et qu’une personnalité aussi forte et emblématique que Sylvie Pialat était notre productrice. Nous devions sortir en 2024 à l’occasion du centenaire d’un court métrage de René Clair, Entr’acte, à qui notre film était un hommage. Gustave étant lui-même acteur, il a pu retrouver très vite le chemin des plateaux. Pour ma part, il m’a fallu initier un nouveau projet pour me remettre en selle. Or, j’avais justement une idée assez personnelle autour d’un combat écologique dans ma région d’origine, la Picardie. D’autant plus que Gustave avait lui aussi un projet personnel qu’il vient de tourner à l’île Maurice, dont il est originaire. Mais nous allons nous retrouver très bientôt puisque nous avons écrit un film que nous espérons tourner l’été prochain.

- Copyright SRAB FILMS – NO MONEY PRODUCTIONS – M141
Alors comment est né Animal Totem ?
Je souhaitais revenir à mes premiers amours pour les films qui laissent la part belle à la cinématographie, sans trop de dialogues qui amènent parfois trop de théâtralité. Je voulais revenir à quelque chose de plus épuré, qui laisse toute sa place à la beauté, au silence, à la nature, à un personnage énigmatique. Cette première image d’un personnage en costard qui traverse la pleine Picardie avec sa valise a roulette ne m’a pas lâché et m’a amené à écrire cette histoire assez fantasque.
Aviez-vous des références cinématographiques ?
J’aime tout ce qui touche au burlesque, comme certains films scandinaves. C’est un cinéma taiseux, qui laisse la place à autre chose que les mots. Je voulais un film qui mélange les univers de James Bond et de Jaques Tati dont j’admire l’œuvre. Son personnage ne dit rien et pourtant ses films s’expriment comme jamais, et se déroulent dans des grands espaces ou des lieux avec une architecture très ample.
Votre film s’apparente à un conte… C’est ce qui est d’ailleurs écrit dès le générique d’ouverture : « un contre de Benoit Delépine ». Pourquoi cette démarche ?
On a tendance à penser que les contes sont réservés exclusivement aux enfants, ce qui est absolument faux. Relisez les frères Grimm : ce sont des récits parfois terrifiants. Ce qui m’a incité à faire un conte, c’est que mon histoire ne s’inscrit absolument pas dans un cadre réaliste. Avant qu’Olivier Rabourdin n’accepte de jouer le rôle du méchant, un autre acteur l’avait refusé car il trouvait le personnage trop caricatural. Il avait une approche trop premier degré. Mais Olivier a tout de suite compris qu’il s’agissait d’une sorte d’ogre. C’est ce qui m’a poussé à écrire dès le générique de début qu’il s’agit d’un conte… pour embarquer ceux qui douteraient de ma démarche ou auraient un regard "trop premier degré".

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En quoi ce récit est-il si personnel pour vous ?
J’ai récemment eu des discussions autour de l’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’écriture de scénario. Pour ma part, j’ai l’impression que certains scénarios actuels, pourtant écrits par des auteurs, auraient très bien pu être générés par l’IA tant ils s’avèrent formatés et attendus. Ce qui fait la différence entre une œuvre d’art humaine et celle d’une IA, qui ne serait d’ailleurs pas nécessairement inintéressante puisqu’elle puise dans nos connaissances, c’est que les auteurs s’inspirent de bribes autobiographiques pour concevoir leurs œuvres. Nous exprimons des choses que nous avons vécues. Ce n’est pas tout à fait notre histoire, mais plutôt notre histoire romancée. Pour ma part, je tenais à tourner ce film en Picardie pour plein de raisons. Tout d’abord parce que j’y ai passé mon enfance puisque mon père y était agriculteur. Certains de mes plus beaux souvenirs d’enfance se sont déroulés lors des mois d’août lorsque j’apportais son goûter à mon père alors qu’il travaillait aux champs. Il me fallait tous ces paysages, toutes ces images fortes, même si elles ne traduisent pas la réalité puisque l’on voit à la fois les moissons, les champs de maïs, les tournesols, etc… mais c’est un conte. Cette approche offre beaucoup de liberté.
Et que pouvez-vous dire sur Samir Guesmi, qui porte votre film de bout en bout ?
J’ai rencontré Samir en 2020 à l’occasion du Festival du Film Francophone d’Angoulême où Gustave et moi-même étions coprésidents du jury. Nous avons remis quatre prix à son film en tant que réalisateur, Ibrahim, pour lequel nous avons eu un vrai coup de foudre. C’était émouvant de voir Samir monter sur scène chercher un trophée, puis redescendre, puis revenir pour en chercher un autre, toujours plus ému et surpris, en tenant des propos intimidés. Il se dégageait quelque chose de très fort chez lui et que je voulais filmer. Il a réussi à interpréter ce personnage avec des dialogues pourtant inattendus, incongrus, et est parvenu à maintenir une forme de suspense tout au long du récit.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Galerie photos
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