Le 9 novembre 2025
- Scénaristes : Thibault Vermot>, Paul Vermesch>
- Dessinateur : Inès Pollosson
- Genre : Amitié, Humour, Théâtre, Histoire vraie, Mai 68
- Editeur : Sarbacane
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 3 septembre 2025
« Mes frères fondons donc cette secte dérisoire ! Le rire en est le dieu, l’anarchie l’oratoire ! »
Résumé : Un vent de liberté, un esprit de révolution règne encore dans les rues de Paris à la suite des événements du mois de mai 1968 quand, au hasard d’une petite annonce de serveur, Coluche rencontre Romain Bouteille dans le café-théâtre « La méthode » où il vient juste d’être pris à l’essai. Le premier cherche à se faire un peu d’argent pour payer son loyer, le second est sur scène pour faire rire les gens. Tous les deux, avec Henri Guybet un autre comédien de « La méthode » se sentent étriqués dans leur rôle. Dans l’effervescence post-68, il décide de faire leur théâtre…du bâti au verbe… Créer un nouvel espace de possible et d’expérience… Une scène ou chaque soir, la vie, leur vie s’invitera dans leur jeu….bide ou pas bide ! Du théâtre comme bon leur semble de faire un théâtre où tout sera possible… Ils trouvent un local, quelques camarades près à s’embarquer dans l’aventure…. Et ils se lancent… Ensemble, ils créent le Café de la Gare, plus qu’un lieu, plus qu’une troupe, un vent de liberté créative, un lieu sans hiérarchie, ni ordre, un prix d’entrée fixée à la roulette et de l’impro vivante chaque soir !
Critique : Le Café de la Gare est encore aujourd’hui un théâtre parisien en activité, les murs ont changé, les comédiens aussi, mais l’enseigne a toujours la même dégaine, une typographie bancale et chaleureuse que les auteurs de cette bande dessinée ont choisi de reproduire pour le titre sur la couverture de l’album.
Inès Polloson, la dessinatrice et co-scénariste avec Paul Vermesch et Thibault Vermot, le dialoguiste, s’inspirent de l’histoire de la fondation du Café de la Gare pour offrir une bande dessinée pleine d’audace, de rêve et de rage autant destructrice que créatrice !
L’histoire est construite en partant du récit de Sotha, une membre fondatrice du Café de la Gare. Les auteurs se sont approprié son témoignage et ils en ont fait matière à création… c’est en quelque sorte une fiction plus que réelle, mais moins que véridique.

- Tous droits de reproduction réservés © 2025, Pollosson, Vermesch, Vermot / Sarbacane Éditions.
Dans cette bande dessinée, nous découvrons avant tout une galerie de personnage aux fortes personnalités, des acteurs vivants ou disparus aujourd’hui, mais qui ont marqué leur époque… Coluche que l’on appelait encore alors Michel Colucci, Patrick Dewaere, Miou-Miou, Romain Bouteille pour n’en citer que quelques-uns. Les auteurs et l’autrice ont réussi à mettre en avant non leurs célébrités, mais leurs sensibilités. Ils possèdent toutes et tous des sensibilités plus que vives, faites de fragilités, de peurs et de mélancolie profonde, source d’une franchise créative et d’une audace sans tabou sur scène.
Et toi ça te plaît de balancer des vannes a des mecs qui hochent la tête comme s’ils lisaient un édito du Monde.- Moi je veux qu’ils arrêtent d’écouter avec la tête, faut les prendre aux tripes.- Il faut les secouer. Leur rappeler que penser c’est pas un métier pépère, c’est un risque. (p.24)
Inès Pollosson a le trait fin. Elle choisit une palette de couleur pâle et sobre qui apporte à l’ensemble une simplicité et même normalité des formes alors que l’histoire est loin du conformisme. De nombreux détails dans ses images rappellent le contexte de l’époque : on y aperçoit des rues encore encombrées du passage des manifestations, mais aussi encore des confrontations entre force de l’ordre et manifestants ou bien encore des affiches cinéma des succès de l’époque. Pourtant, l’essentiel de ses dessins se concentrent sur les corps, et plus encore sur les visages qui sont maintes fois représentés en gros plan. Ils sont très facilement reconnaissables, mais aussi minimalistes pour ne pas faire l’écueil de caricatures trop grossières, au contraire le dessin d’Inès Polloson est respectueux des individus.

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Cet album doit aussi beaucoup, et même énormément même au dialogue ! C’est un vrai régal…. Le maître d’œuvre est Thibault Vermot qui a puisé dans des références littéraires, mais aussi dans de la littérature militante de 68 ! Les dialogues sont des vraies joutes oratoires qu’il s’agisse de saisir un jeu de séduction ou des coups de gueule….
Tu me gênes ! Je pars en vrille dès qu’on me regarde trop longtemps. J’ai les freins qui lâchent !- Alors regarde-moi juste un peu et on verra si tu ne fais pas de sorti de route. (p.95)
Et puis il y a aussi plus singulier, mais toujours réussi, les échanges de non-dits qui enrichissent en tension les moments de flottements entre deux personnages. Par exemple, dans le passage où Sotha retrouve par hasard Patrick Dewaere. Il l’invite chez lui, elle accepte… Mais l’un et l’autre sont perdus dans leurs sentiments et pourtant entre ces anciens amoureux, quelque chose se passe à nouveau. La narration graphique et ses mots dits en silence parviennent à faire ressentir toutes les paroles hésitantes, les soubresauts des cœurs et les appels des corps.

- Tous droits de reproduction réservés © 2025, Pollosson, Vermesch, Vermot / Sarbacane Éditions.
En plus des références dessinées à l’air du temps, les auteurs ont inséré tout au long du récit de multiples références culturelles littéraires dans les dialogues, mais aussi cinématographiques et musicales ou par l’insertion de bandeau, on découvre la bande son (Moustaki comme Barbara et d’autres) qui accompagne ces joyeux lurons !
Cet album paru à la rentrée de septembre chez Sarbacane est un récit plein de gouaille, d’ambition joyeuse, d’élans libertaires mais aussi de sensibilité à fleur de peau et de spleen. Tout est permis, rien ne se respecte ou tout se respecte même les excès… Le rire est là pour que rien jamais ne s’établisse. Au Café de la Gare, sur scène, la vie se joue, la vie dans toute sa noirceur et sa lumière éclatante, chaque soir, mais jamais deux fois pareil !
Si je me plante, je le ferai à fond. Si je cartonne, je voudrais que personne ne me le dise. Pour pas que ça devienne une habitude, le succès. C’est un piège a vanne molle. J’ai pas appris à parler. J’ai appris à gueuler. Et là, j’ai des trucs à gueuler. Des trucs vrais. Ce soir, je me fous à poil. (p.122)
Avis aux lecteur.rices : tenter l’aventure vous aussi, ouvrez cette bande dessinée et faites-vous votre idée !
160 pages – 24 €
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