Le 13 octobre 2025
- Plus d'informations : Le site du Festival
Nous avons rencontré l’actrice-réalisatrice Fanny Sidney au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz où elle était membre du jury.
Brillante, talentueuse, rayonnante, solaire, sensible : les mots ne manquent pas pour qualifier l’actrice-réalisatrice Fanny Sidney qui a illuminé de sa présence le Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz, où elle était membre du jury présidé par Hugo Becker. À cette occasion, nous avons échangé avec la comédienne autour de ses films "coup de cœur", de sa conception du cinéma, de son rapport à son métier et de ses projets.
Votre jury a attribué le Grand Prix au premier long métrage de Bérangère McNeese, Les Filles du ciel. Comment votre choix s’est-il porté sur ce film, très réussi au demeurant ?
Fanny Sidney : Nous avons été sensibles aussi bien à la lumière qu’à l’humour qui émanent de ces vies cabossées, violentées, mais aussi par l’absence de manichéisme dans le traitement de cette amitié. Ces filles ne sont pas parfaites et à travers leur imperfection, voire la toxicité que peut générer leur relation, le film raconte les violences qu’elles ont subies de manière très subtile. Il y a autre chose qui m’a émue dans cette histoire, c’est le fait que la résolution passe par un jeune homme qui va accompagner cette jeune fille dans un événement appartenant beaucoup à l’histoire des femmes mais qu’il va donc partager avec elle. Mais, contrairement à des œuvres comme Fish Tank d’Andrea Arnold ou La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, ce n’est pas la notion de couple qui sauve ici ces vies maltraitées, mais la sororité à travers cette famille reconstituée. Cela nous a beaucoup touchés et nous nous sommes rapidement accordés… même s’il y a eu des débats.
Quel autre film de la sélection vous a profondément marquée ?
Fanny Sidney : À titre personnel, le film qui m’a vraiment secoué demeure Le Temps des moissons d’Huo Meng. auquel nous avons remis le prix de la mise en scène. C’est une œuvre qui me hante. J’ai vécu une expérience de cinéma nouvelle, inédite. Cela fait un moment que je m’intéresse à la théorie d’Ursula Le Guin, une autrice de science fiction qui explorait la question de la « fiction panier ». Elle a écrit un article où elle incitait à déconditionner nos récits, parfois trop individualistes, voire belliqueux, où un personnage va triompher d’épreuves qui vont le changer et l’élever moralement. Elle souhaitait que l’on revienne à des récits qui mettent davantage en avant le collectif, incitent à la contemplation. C’est le cas ici… et c’est juste sublime. Surtout à une époque où on privilégie tellement le « high concept » pour accrocher le spectateur. On est loin de toutes ces notions avec Le Temps des moissons. Pourtant je n’ai pas décroché une seconde tant il recèle de mystère. C’est un grand film de mise en scène, qui s’émancipe des codes établis et propose une forme très singulière.
Vous semblez avoir une haute idée du cinéma. D’ailleurs vous allez prochainement réaliser votre premier long métrage. D’où vous vient ce besoin de raconter des histoires et que pouvez-vous nous dire sur ce premier film ?
Fanny Sidney : J’ai besoin de raconter mes histoires parce que, comme la plupart des gens qui font ce métier, je suis un peu tarée (rires). Plus sérieusement, je ne fais pas de différence entre le fait de jouer, écrire ou réaliser. Pour moi, c’est faire l’expérience de l’altérité, puis la partager et la transmettre. En somme, comme le disait Jean Renoir dans La Règle du jeu : « Il y a quelque chose d’effroyable dans ce monde, c’est que tout le monde a ses raisons ». Concernant mon film, il abordera la question du couple et ce qu’il peut rester de soi après une vie vécue ensemble. Qu’est-ce qu’on peut se reprocher l’un à l’autre de ce qu’on est devenu ? C’est une question existentielle que celle du couple et de faire chemin à deux, ou pas. J’ai la chance d’être accompagnée par ma productrice Emma Javaux, chez Une Fille Productions. Nous espérons tourner l’année prochaine.
Nous avons récemment eu le bonheur de vous retrouver à l’affiche de la comédie Adieu Jean-Pat après quelques années d’absence des écrans. Pourquoi aviez-vous besoin de cette prise de recul ?
Fanny Sidney : Il s’est passé quelque chose dans ma vie personnelle lorsque j’ai découvert la parentalité. En l’occurrence, je n’avais pas envie de ramener des rôles à la maison pendant la petite enfance de mes filles. Je sais ce qu’est ce métier et ce qu’il en coûte. On voyage avec nos personnages. On gravite avec eux. Or, elles étaient trop poreuses. Je sentais que je n’avais pas d’espace mental disponible pour accueillir le jeu. J’ai donc avancé sur autre chose, j’ai beaucoup écrit et maintenant qu’elles ont grandi et comprennent mon métier, elles peuvent faire la part des choses. Récemment, je répétais mon texte dans ma cuisine et elles me demandaient à qui je parlais (rires). Mais aujourd’hui, je peux leur expliquer. Cela m’est aussi arrivé dans un taxi où le texte a surgi d’un coup et je me suis laissé emporter. Le jeu est tout le temps en moi et je ne voulais pas de cela au début de ma maternité. J’ajoute que j’ai pu souffrir de ce métier. Cette prise de recul m’a donc été bénéfique. D’autant plus que même loin des plateaux, je me suis retrouvée à faire des stages d’improvisation dans des cours amateurs. J’ai donc compris que même lorsque je suis loin des plateaux, je cherche constamment à jouer. Cela signifie donc que la souffrance que j’ai pu endurer est équivalente à l’amour que je porte à ce métier. Je me sens beaucoup mieux depuis que je me suis avoué cela. La pratique de l’hypnothérapie m’aide aussi beaucoup dans ma phase de préparation mentale pour me rendre disponible au travail.
Comment expliquez-vous cette souffrance générée par votre métier ?
Fanny Sidney : Elle était surtout due à des questions d’autorisation personnelle. Est-ce que l’on se donne l’autorisation de faire ce métier ? Est-ce qu’on nous donne l’autorisation de le faire ? Est-on capable de prendre cette autorisation ? À qui risque-t-on d’être déloyal en la prenant ? De plus, c’est un concept judéo-chrétien de penser que le travail doit s’inscrire dans la souffrance pour être valable. C’est un concept dont je me suis totalement détachée. Désormais, j’accepte que mon métier puisse juste être une pure merveille. On m’a dit quelque chose de très beau il y a longtemps mais dont je comprends vraiment le sens qu’aujourd’hui : « Il est difficile de supporter sa chance ». Maintenant, je prends plaisir à chérir ma chance… et à l’honorer.
Merci pour cet échange… Juste pour conclure, vous venez de retrouver l’univers de Dix pour cent à l’occasion du tournage du film adapté de la série qui vous a révélée. Que pouvez-vous nous en dire ?
Fanny Sidney : C’est un projet très secret dont je ne peux pas dévoiler grand-chose mais quelle joie de retrouver tous mes camarades de jeu, et surtout ce personnage de Camille que j’ai tellement aimé incarner ! Les prises de vues ont débuté il y a quelques jours. Le film sera disponible sur Netflix l’année prochaine.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Palmarès longs métrages du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz
Grand Prix : Les Filles du ciel de Bérangère McNeese
Prix de la mise en scène : Huo Meng pour Le Temps des moissons
Prix d’interprétation féminine : Héloïse Volle, Shirel Nataf, Yowa-Angélys Tshikaya et Mona Bérard dans Les Filles du ciel
Prix d’interprétation masculine : Swann Arlaud dans Sukkwan Island de Vladimir de Fontenay
Prix du jury jeunes : Les Filles du ciel de Bérangère McNeese + Mention Spéciale à Sukkwan Island de Vladimir de Fontenay
Prix de la critique : Sauvons les meubles de Catherine Cosme
Prix du public : Louise de Nicolas Keitel
Coup de cœur hors compétition : La petite cuisine de Mehdi d’Amine Adjina
Palmarès courts métrages :
Grand Prix : Les Belles cicatrices de Raphaël Jouzeau
Prix de la mise en scène : Surveillant d’Alexandre Popov
Prix Révélation ARDA : Thomas Blanchard dans Pentest de Tristan Lhomme et Benjamin Chevallier
Prix du public : En beauté de Rémi Mardini
Prix de la critique : En beauté de Rémi Mardini + Mention Spéciale à Pentest de Tristan Lhomme et Benjamin Chevallier
Prix du jury jeunes : Les Belles cicatrices de Raphaël Jouzeau
Galerie photos
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