Le 16 septembre 2025
- Réalisateur : Lucas Belvaux
- Acteurs : Ramzy Bedia, Déborah François, Niels Schneider, Linh-Dan Pham
- Distributeur : UGC Distribution
- Festival : Festival d’Angoulême 2025
Le réalisateur Lucas Belvaux et ses comédiens Déborah François, Ramzy Bedia et Linh-Dan Pham évoquent le récit et les personnages de leur film, Les tourmentés.
Avec Les tourmentés, présenté en avant-première au Festival du Film Francophone d’Angoulême, Lucas Belvaux adapte son roman éponyme où la noirceur et la lumière se côtoient tout du long. L’occasion d’échanger avec le cinéaste et ses interprètes, Déborah François, Ramzy Bedia et Linh-Dan Pham, qui évoquent les traumas et l’humanité de leurs personnages.
Voici un récit d’une noirceur apparemment absolue… mais qui tend peu à peu vers la lumière. Était-ce votre intention ?
Lucas Belvaux : On peut dire que la noirceur révèle la lumière. En l’occurrence, ici, ces personnages tourmentés sont tous sauvés par l’amour. C’est un film sur l’amour, l’argent, la trahison, la fraternité, l’humanité en somme. Ce qui m’intéresse, ce sont les êtres humains et ce qui fait leur complexité. Nous avons tous des défauts, des contradictions, nous aimons une chose et son contraire. C’est ce qui me passionne. Donc quand je me lance dans ce projet, je me dis je vais écrire un vrai roman noir et puis, en cours de route, je me sens obligé d’apporter un peu de lumière à cette histoire tant le monde s’avère déjà suffisamment brutal et violent.
Est-ce plus ou moins frustrant d’adapter son propre roman plutôt que celui d’un autre auteur ?
Lucas Belvaux : C’est plus frustrant car on y a mis plus de soi. Donc quand arrive le moment de l’adaptation, il y a des éléments de notre roman auxquels nous sommes terriblement attachés mais qui ne s’intègrent pas dans une œuvre de cinéma. Ce qui nourrit un livre peut alourdir un film. On le voit lorsqu’on adapte le roman des autres mais c’est plus complexe à identifier dans ses propres écrits. Et encore plus complexe de renoncer à porter ces éléments à l’écran.

- © 2025 David Koskas - BIZIBI. Tous droits réservés.
Que pouvez-vous dire sur chacun de vos personnages et de leurs tourments ?
Linh-Dan Pham : Le personnage de Madame s’est construit dès l’enfance sur des manques affectifs. Et on ne peut pas connaitre ce qu’on n’a jamais connu. Elle ne se rend pas compte que l’affection lui manque puisqu’elle n’en a jamais eu. À tel point qu’elle se lance le défi de chasser puis tuer un homme. Or elle ne se rend pas compte qu’un homme peut être généreux, aimant, capable d’empathie, alors qu’elle n’a croisé que des monstres dans sa vie.
Ramzy Bedia : Max est le personnage qui a le plus dépassé ses traumas. Il a retrouvé goût à la vie grâce au personnage de Madame qui l’a initié à l’art, la musique, la beauté, alors qu’il n’a connu que la violence, le sang, la chair. Ce sont deux êtres qui révèlent quelque chose à l’autre. Madame révèle à Max qu’il a une autre nature que celle qu’il croyait avoir. En vivant près d’elle, il accède à la culture et se rend compte qu’il a une sensibilité, qu’il peut pleurer en écoutant du Chopin. De son côté, elle comprend qu’un homme peut être sensible, généreux, humain. Elle s’ouvre à l’amour et l’humanité. Mon personnage se sent déchiré. Doit-il protéger son frère d’armes ou rester fidèle à la femme qui lui a offert une autre vie ? Selon moi, ce film est comme une analogie sur la deuxième vie d’un homme, lorsque le moment est venu de tout reconstruire. Et bien sûr, c’est aussi un film sur deux hommes qui font tout pour les femmes qu’ils aiment.
Déborah François : Manon a les tourments les plus quotidiens. C’est celle qui est la plus connectée à la vie grâce à ses deux enfants. Même si elle souffre d’un déficit de confiance après avoir été abandonnée et trahie par l’homme qu’elle aimait. À tel point que lorsque celui-ci revient dans sa vie, elle doit passer au-dessus de la suspicion, de la crainte que ses enfants et elles soient abandonnés à nouveau. De façon plus générale, ce dont des personnages qui sont tous un peu mort dans l’âme au début du récit. Leurs cœurs sont asséchés. Mais c’est là que réside toute l’humanité de ce film car chacun va se reconnecter à l’autre, à l’amour, à la vie.
Le suspense du film tient beaucoup au fait que l’on s’interroge constamment si la chasse à l’homme va bien avoir lieue. Pourquoi ce parti pris ?
Lucas Belvaux : J’ai beaucoup pensé aux romans de Georges Simenon où le suspense naît du récit, de la forme, du fait que le lecteur, le spectateur attend quelque chose qu’on lui a annoncé, et qui soit n’arrive pas, soit arrive très tard. La tension vient de là. C’est presque un effet de style.

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Que pouvez-vous dire sur la direction d’acteurs mise en place par Lucas ? On sent un jeu très sobre et maîtrisé de votre part à tou(te)s…
Linh-Dan Pham : Pour ma part, les premiers jours d’un tournage sont toujours complexes car nous avons une idée précise de notre personnage et nous confrontons à la vision d’un réalisateur qui s’avère toute autre. Pour ma part, je voulais montrer l’humanité de Madame et la faire sourire dès le début. Mais Lucas m’a incité à jouer d’abord quelqu’un de distant, de froid, mais qui va s’ouvrir peu à peu.
Lucas Belvaux : Les acteurs ont tendance à vouloir jouer toutes les composantes de leur personnage dès les premières séquences. C’est impossible. Un personnage se construit sur tout un récit. Sa vérité n’apparaît qu’à la fin du film. On présente d’abord ce personnage comme un monstre mais le monstre n’existe pas. C’est un être humain avec ses fractures. Mais si on révèle tout d’emblée, alors il n’y a plus d’évolution, plus de tension. C’est pareil pour le personnage de Ramzy. Au début il est comme un bloc monolithique mais qui va peu à peu se fissurer et on va découvrir l’homme qui se cache derrière. Son humanité se révèle tout au long du film.
Déborah François : Ce qui était original dans ce tournage et notre travail d’interprétation, c’est que le livre de Lucas nous permettait de nous référer à l’intériorité de nos personnages. Cela a nourrit nos interprétations. Le livre et le scénario se sont avérés parfaitement complémentaires. Un scénario ne nous permet pas d’entrer autant dans le dialogue intérieur d’un personnage alors qu’un livre le permet davantage. Même si de nombreux éléments du livre ne sont pas dans le film, nous les avons malgré tout intégrés à nos scènes.
Une dernière chose, Ramzy, ce rôle vous va comme un gant et d’ailleurs, au cours des dernières années, vous avez pris beaucoup de distance avec les personnages de comédie que vous interprétiez à vos débuts, notamment avec votre comparse Éric Judor. Comment avez-vous procédé pour opérer ce changement de carrière qui n’avait rien d’évident car le cinéma a tendance à enfermer les interprètes dans un seul genre ?
Ramzy Bedia : Je dois beaucoup remercier mon agent, Laurent Grégoire, avec qui j’ai entamé ce travail de transition de fond il y a de nombreuses années. Pour cela, j’ai tourné dans beaucoup de films d’auteur à petit budget que très peu de personnes ont vus mais qui m’ont permis de m’installer dans un autre genre que la comédie. Laurent m’a donné sa confiance et m’a donné confiance en moi tant il a été un très bon accompagnateur et m’a prodigué de judicieux conseils. Grâce à lui, je me suis senti légitime dans ma démarche qui n’avait rien d’évidente car elle impliquait un vrai changement de vie. Inutile de vous dire que je n’ai pas perçu les mêmes salaires que lorsque je tournais avec Éric Judor. Mais je ne renonce pas pour autant à tourner des comédies. J’ai d’ailleurs récemment retrouvé Éric puisque nous avons joué dans le nouveau film de Quentin Dupieux. Même si cela aura été de courtes retrouvailles puisque le tournage n’a duré que six jours (rires).
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