Le 12 décembre 2017
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 13 décembre 2017
Lors de l’Arras Film Festival de novembre dernier, Clara et Laura Lapperousaz nous ont accordé quelques instants pour nous parler avec chaleur de leur deuxième long-métrage (après Rodéo en 2011, inspiré d’un drame familial.
Qu’est ce qui vous a donné l’idée de vous attaquer (elles sont aussi scénaristes) à un sujet aussi lourd et j’oserai dire même aussi tabou ?
C’est inspiré d’une histoire familiale. Pour être très limpides, nos parents ont perdu un enfant avant la naissance de Clara et nous nous sommes trouvées dans la situation des jumelles du film à apprendre le passé de nos parents même si on ne l’a pas vécu de la même manière que les enfants du film.
Dans le film, il s’agit d’un couple franco-portugais ? Là aussi, s’agit-il de votre histoire familiale ?
Non pas du tout, c’est de la pure fiction. On avait prévu de tourner au Portugal, il fallait donc qu’il y ait un ancrage cinématographique. Le plan de départ du film était le retour dans une maison de vacances que les fillettes ne connaissaient pas mais qui devait correspondre à un souvenir pour les parents, un lieu marqué par l’accident du premier enfant. C’est un retour aux racines familiales qui viennent réveiller le passé. Pour différentes raisons météo, économiques et de désir d’exotisme et de luminosité dont on avait besoin pour créer cette ambiance en demi-teinte qui baigne le film, le Portugal s’est imposé. Dès l’écriture du scénario, pour répondre à ce drame lumineux intimiste, on avait en tête de construire un film de paysages avec des décors extérieurs très importants et ce que propose la région de l’Alentejo nous convenait tout à fait.
La lumière du film est d’une intensité incroyable. Comment obtient-on des tons aussi chauds ?
Cette région du Portugal est naturellement un paysage de plaines fauves et brûlées et puis à l’étalonnage, on a accentué le côté western en technicolor On avait besoin d’une image chaude et contrastée et qu’il y ait de la brillance pour rendre cette complémentarité entre les extérieurs immenses dans lesquelles se perdent les fillettes et les intérieurs en clair-obscur qui font résonner les secrets à l’heure de la sieste.
Ne pensez-vous pas qu’il s’agisse d’un film plutôt féminin ?
Non, pas vraiment. On a aussi des réactions très positives de la part des hommes mais ce qui nous a touché le plus, c’est que ça concerne des générations extrêmement variées, des plus jeunes aux plus âgés et même des gens qui ne sont pas parents. Tous se retrouvent à travers les thèmes de la reconstruction, de la sensualité, de l’enfance, la magie de l’été, l’intensité du drame, le tabou du deuil. On a essayé de livrer une narration sincère et du coup, les spectateurs s’identifient et lors de débats, beaucoup viennent nous parler de leurs histoires de famille.
Comment avez-vous travaillé avec ce couple de fillettes qui portent le film à bout de bras ?
Ca a été un très gros casting. Au départ, c’était écrit pour 2 sœurs d’âge différent. Nous avons nous-mêmes un lien gémellaire. Alors, quand on nous a proposé ces petites jumelles, l’effet-miroir à l’image nous a semblé intéressant. On avait travaillé en amont avec des pédo-psychiatres pour concevoir l’histoire à la hauteur de leurs 6 ans. Elles sont rentrées dans le rôle très facilement. Elles avaient conscience de l’histoire. Les enfants prennent en charge le sujet de la mort avec spontanéité et simplicité. Ca les habite mais ça ne les perturbe pas. Elles en font un terreau de fiction qui fait vivre leur imaginaire. Un fantôme d’histoire pour les parents et une histoire de fantômes pour les petites. Ensuite, l’organisation du tournage avec deux enfants si jeunes est un vrai casse-tête. On devait être extrêmement disponible à l’état émotionnel de l’enfant, être toujours à l’affût de solutions possibles selon les circonstances car, à cet âge, elles n’ont le droit de tourner que très peu d’heures par jour. Il fallait jongler aussi avec la météo (nous avons tourné en octobre/novembre). Elles avaient fait leur rentrée au CP quelques semaines plus tôt, donc elles avaient un instituteur qui leur donnait des cours qu’il fallait intégrer à l’emploi du temps, donc tout ça était très délicat. Finalement, on a opté pour la technique du phrase à phrase (de toute façon, elles ne savaient pas lire) et du coup, on a obtenu l’effet naturel recherché. Elles se sont instinctivement appropriées les choses sans les apprendre.
Comment définiriez-vous les parents ?
Les personnages de Gabriel et Iris ont des trajectoires très différentes. Elle est très lumineuse, enveloppante dans un désir de reconstruction douce. Au fur et à mesure, elle se fragilise. Elle affronte enfin ce deuil qu’elle pensait avoir déjà surmonté. Gabriel à l’inverse est dans une violence sourde qui éclate, ce qui lui permet de libérer sa parole et finalement de sauver la famille. On tenait à traiter leur rapport à la mort de façons très différentes : la culpabilité pour la mère qui se rapproche du sacré avec ses promenades, ses prières silencieuses dans la campagne alors que le père, médecin, est dans la rationalité. Pour lui, vie et mort sont séparées et donc aucun fantôme ne peut vous protéger. Notre désir était qu’ils soient habités chacun par leurs culpabilités respectives et qu’ils s’affrontent mutuellement. Tout comme, il était important aussi que la nature soit investie d’un aspect spectaculaire, solaire mais menaçant chargé d’onirisme visuel et sonore que l’on retrouve dans les petites séquences de sorcellerie. On voulait que le pôle émotionnel et le pôle visuel se répondent sans prendre le pas l’un sur l’autre.
Est-ce facile de réaliser à deux ?
C’est fantastique, c’est une chance immense, c’est un soutien de chaque instant. On a la même vision du film et la même matière affective. On comprend ce que l’autre peut percevoir pendant une prise, donc c’est un gain de temps. C’est aussi parce qu’on est sœurs et que l’on a cette complémentarité. Je n’imaginerais pas co-réaliser avec quelqu ’un que je ne connaîtrai pas aussi bien.....Là, on n’a pas à débattre. C’est vrai que c’est extrêmement compliqué de faire un premier film, de surcroît avec des enfants, des hôpitaux, des rivières, des voitures, des bateaux.....donc pendant que l’une tourne un plan, l’autre peut en tourner un autre. Ca aide.
D’ailleurs, on écrit déjà un prochain scénario toujours ensemble. On a eu aucun mal à basculer sur un autre désir de film. Il y aura aussi deux sœurs qui ont un lien fort mais ce sera plus fantastique
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