Le 1er juillet 2025

- Réalisateur : Peter Dourountzis
- Distributeur : Zinc Film
– Sortie en salle : 2 juillet 2025
Le réalisateur Peter Dourountzis revient sur la création de son nouveau thriller, Rapaces, en salles ce mercredi 2 juillet.
Après son premier long métrage Vaurien, le réalisateur revient avec un thriller tendu au coeur des faits divers qui frappent quotidiennement la France. Rencontre avec un cinéaste talentueux, qui revient notamment sur la mise en scène de ce qui sera, à coup sûr, l’une des séquences les plus étouffantes et glaçantes de cette année.
Ce film résulte-t-il de votre envie d’explorer le métier, relativement peu montré au cinéma, des journalistes de faits divers ?
Après la sortie de mon premier long métrage, Vaurien, un de mes producteurs Christophe Delsaux, m’a présenté un script auquel je n’ai pas totalement adhéré mais dont j’avais beaucoup aimé l’univers, celui de la couverture des faits divers. J’aime les films dédiés au journalisme, comme Les Hommes du président ou Spotlight. C’est un sous-genre du thriller. De plus, j’adore le cinéma américain des années 1970. Il y avait donc une porte d’entrée singulière car ici, mes personnages sont les mêmes mais en plus sales. J’ai donc réécrit le scénario en travaillant la première partie comme une chronique, en me focalisant sur le travail de ces personnes-là, avec quelque chose de politique, de sociétal, où chaque spectateur se fait son propre avis avant que je l’emmène vers quelque chose de plus rassembleur, en l’occurrence le thriller. Pour avoir droit à cette deuxième heure intense, il faut avoir passé la première avec ces personnages afin d’être en empathie avec eux.
- Copyright Zinc.
En quoi a consisté votre adaptation du scénario ?
J’ai gardé tout ce qui concerne la Citizen-band (CB) car j’aimais ce fil rouge analogique dans un monde qui devient numérique. J’ai aussi conservé tout ce qui concerne les masculinistes mais je ne voulais pas donner de réponse ou d’explication à leurs actes. Je reste du point de vue de mes personnages. D’où la réplique de Sami Bouajila qui explique que son métier ne consiste pas à expliquer les méfaits de ce réseau. D’autant plus qu’ils sont tellement violents que rien ne peut les expliquer. Donc ce qui m’intéresse à développer ici, ce sont les personnages et cet univers, en prenant le spectateur par la main pour qu’il passe un bon moment de cinéma.
Que pensez-vous de ces personnages ? Au départ ils semblent assez méprisables…
Ils ont des méthodes crapuleuses, contestables. Au début, Sami est odieux, il fait quelque chose de moralement discutable, mais semble déceler des choses, il fait une promesse au père de la victime, puis se fiche de sa tête dans son dos. J’aime les personnages difficiles d’accès au premier abord, que l’on aime détester dans un premier temps. C’était déjà le cas dans Vaurien. Ou avec les personnages de la série À la Maison Blanche : ils sont intelligents certes mais prétentieux, bavards, pas drôles. Néanmoins, malgré tout cela, ils ont un savoir-faire qui construit une certaine empathie chez le spectateur, mais autre que celle qu’il aurait pu avoir pour des super-héros. Pour en revenir au personnage de Sami, à un moment, peut être parce qu’il est investi et sincère, on le rachète un peu. Il ne veut pas lâcher cette affaire. Notamment par rapport à sa fille car il sait qu’elle aurait pu être une victime. Même s’il ne se l’avoue pas. Travailler ensemble sur cette affaire leur permet de travailler à leur lien désuni.
Votre film contient ce qui sera probablement une des scènes de l’année. En l’occurrence une longue scène de restaurant, où Sami Bouajila et Mallory Wanecque sont comme pris dans un piège qui se referme inéluctablement sur eux. La tension y est maximale. Comment avez-vous conçu une telle séquence ?
Il m’a longtemps manqué cette scène incontournable qui allait justifier que le film se fasse. Il me fallait cette séquence de vint minutes où la relation entre le père et sa fille est explorée, avec une ambiance propre à un thriller hitchcockien. Ils sont effectivement pris au piège et ne parviennent pas à s’en échapper. La tension naît aussi du fait que tout se passe dans le dos de la fille et qu’on reste du point de vue du père. Ils sont l’un en face de l’autre et sont amenés à se dire des choses qu’ils ne se sont jamais dites. À tel point qu’ils deviennent enfin un père et une fille unis face à ce qui peut leur arriver de pire. Il fallait les placer dans une situation extrême comme celle-ci, où ils se retrouvent dans le pire endroit qui soit, où ils ne peuvent rien faire : cela en devient suffocant tant la situation agit comme une sorte de poison lent. C’est quelque chose que le spectateur n’a pas vu depuis longtemps, il se sent totalement démuni. À titre personnel, la violence au cinéma ne m’impacte pas. C’est spectaculaire, certes, mais je ne me sens pas investi. Donc quoi de plus spectaculaire que les visages de Sami Bouajila et Mallory Wanecque en gros plan, et derrière eux la vie ordinaire, le temps réel, étiré ? Je me suis beaucoup inspiré des cinémas de Brian De Palma, Alfred Hitchcock, ou David Fincher qui, justement, étire le temps. Tout comme Roman Polanski avec Chinatown.
- Copyright Zinc.
Et comment avez-vous élaboré l’aspect visuel et sonore du film ?
Le film joue beaucoup sur le hors champ et le son, notamment avec la CB qui est en plein boom depuis dix ans. En réponse au monde moderne, les gens se tournent vers des choses anciennes, comme le masculinisme d’ailleurs où des individus se réfugient sur les privilèges du passé. On s’est inspiré de plusieurs affaires pour vérifier que nous étions crédibles, comme l’affaire Élodie Kulik, assassinée en bordure de route par des hommes qui fréquentaient le même club de 4x4. Ils ont agi sur un coup de tête alors qu’ils ne la connaissaient même pas. Alors, encore une fois, pourquoi expliquer l’inexplicable dans ce film ? Au cinéma, soit tu montres le meurtre, soit tu montres ce qui s’est passé cinq minutes avant, et on se retrouve alors dans des situations ordinaires que l’on a tous déjà vécues. Le malaise est d’autant plus fort. Cela ne sert à rien de faire un film pour convaincre les spectateurs car ils entrent dans la salle avec leurs présupposés et en sortent avec les mêmes. Le seul moyen de les faire voyager, c’est de ne pas leur donner de leçon. Donc je ne parle pas des violences masculines directement mais je suis un père et sa fille qui se retrouvent coincés dans une situation qui les dépasse. Et les spectateurs sont unis dans ce thriller que je ne voulais pas sombre et pluvieux, mais baignant dans une ambiance chaude, solaire et lumineuse, qui montre la France sous tous ses aspects, du Nord à Paris, en passant par Chambéry et Grenoble.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.