Le 16 septembre 2025
- Réalisateur : Katell Quillévéré
- Festival : Festival de Deauville 2025
La réalisatrice Katell Quillévéré, membre du Jury du Festival du film américain de Deauville 2025, a accepté de répondre à nos questions en marge de l’événement.
Katell Quillévéré, réalisatrice française, a déjà une belle filmographie à son actif : Suzanne, Réparer les vivants et plus récemment Le temps d’aimer. Elle est revenue sur ses débuts et sur son parcours.
AVoir-ALire :Est-ce votre première participation en qualité de jurée à un festival de cinéma ?
Katell Quillévéré : C’est la première fois que je suis membre du jury à Deauville, mais j’ai déjà participé à d’autres jurys de festivals : notamment en 2019 pour les Rencontres internationales de moyen métrage de Brive-la-Gaillarde (*), et comme présidente au Festival du film romantique de Cabourg en 2023, et en 2024 à celui du cinéma méditerranéen de Montpellier. Mais c’est la première fois que je suis invitée dans un lieu aussi exceptionnel, et c’est toujours agréable de découvrir des films américains.
AVoir-ALire : Comment êtes-vous organisée avec les autres membres du jury ?
Katell Quillévéré : Il y a une excellente ambiance entre nous. Après s’être retrouvés chaque matin pour la première projection, on déjeune ensemble pour parler très librement des films vus. On y mélange aussi des conversations qui nous permettent de faire connaissance. En milieu de festival, on a fait un point pour dresser une liste plus resserrée des films dont on veut vraiment débattre. La délibération se fera vendredi après-midi après la projection du dernier film en compétition.
AVoir-ALire : Connaissiez vous les autres membres du jury ?
Katell Quillévéré : Je connaissais déjà Vincent Macaigne, avec qui j’ai des amis en commun, ainsi que Thomas Cailley, réalisateur comme moi et qui est de ma génération. Mais avec ce festival, on a eu l’occasion de vraiment faire connaissance. Les autres membres par contre, je ne les connaissais pas du tout : une belle occasion de rencontrer d’autres artistes !
AVoir-ALire : Vous avez déjà une belle filmographie à votre actif, qui fait preuve d’une réelle maturité. Avez-vous fait une école de cinéma ?
Katell Quillévéré : Non, je n’ai pas spécifiquement fait d’école de cinéma. J’ai été à l’université Paris 8 en filières cinéma et philosophie. Déjà, je ne suis pas issue d’une famille d’artistes mais de scientifiques. Donc, je n’avais ni repère, ni modèle, et je ne connaissais personne dans ce milieu. Après avoir fait une classe préparatoire aux écoles de cinéma, Ciné Sup à Nantes, j’ai pu réaliser mon premier court-métrage. C’est en 2004, grâce à une association appelée le GREC (Groupe de Recherche et d’Essais Cinématographiques), à qui j’ai envoyé mon scénario, que j’ai pu le tourner.
J’ai eu la chance qu’il soit sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2005. C’est là que tout a démarré pour moi : le film a énormément marché et a reçu plusieurs prix dans différents festivals. Cela m’a donné une visibilité qui m’a lancée, me permettant notamment de rencontrer des producteurs. J’ai commencé très vite à écrire mon premier scénario pour un long métrage. Je ne savais pas écrire de scénario : j’ai notamment lu des livres sur comment en écrire un. Je me suis lancée un peu n’importe comment, mais c’est en faisant qu’on apprend ! Je n’étais pas structurée dans ma manière d’écrire, maintenant je le suis...extrêmement ! Mon école, cela a été les films des autres et les rencontres que j’ai pu faire avec d’autres cinéastes. Je dois aussi vous dire qu’à vingt-et-un ans, en parallèle de mes études, j’ai travaillé pour la Société des Réalisateurs de Films, la SRF. J’y ai été secrétaire, assistante puis déléguée, ce qui m’a permis de côtoyer des cinéastes : la SRF est une association qui défend les droits économiques et moraux des réalisateurs au sein de l’industrie du cinéma, elle a aussi été mon école. J’ai appris vraiment ce qu’était l’économie du cinéma français. Je pense que cette expérience m’a aidée à éviter des erreurs et à infléchir mon parcours, moi qui n’avais pas fait d’école.
AVoir-ALire : Comment choisissez-vous vos sujets ?
Katell Quillévéré : Le scénario de mon premier long métrage, très instinctif, Un poison violent, provient de ma propre expérience. Ça se passe en Bretagne, et c’est l’histoire d’une jeune fille qui perd la foi en même temps qu’elle vit la séparation de ses parents, tout en découvrent la sexualité : c’est un récit d’adolescence qui prend racine dans ma vie, tout en contenant une large part fictionnelle. Le deuxième, Suzanne, part de lectures que j’ai partagées avec Hélier Cisterne (**), mon compagnon. On était fascinés, surtout lui (!), par les ennemis publics type Jacques Mesrine ou Charlie Bauer. Parallèlement, je me suis intéressée aux femmes de bandits, dont plusieurs ont écrit leur autobiographie : c’est quoi être une femme de bandit ? J’ai aussi lu Albertine Sarrazin, écrivaine qui a connu la prison. Avec Mariette Désert, une fille scénariste de mon âge, j’ai commencé à inventer le récit d’une jeune femme qui va basculer dans la délinquance par amour pour un mauvais garçon. Outre la fascination, c’est aussi pour elle une manière d’échapper à son quotidien pour goûter à l’aventure et à l’interdit.
Pour Réparer les vivants qui traite du don d’organes, et est toujours à ce jour ma seule adaptation, j’ai été contactée par David Thion, producteur des films Pelléas, qui est venu me la proposer pour un livre (***) qui venait tout juste de sortir. J’ai dévoré le bouquin qui m’a énormément bouleversée. Certes, je ne suis pas à l’origine du projet, mais cela a énormément résonné en moi. À quatorze ans, j’ai connu l’hôpital par ma mère qui a fait un AVC et est une miraculée. J’ai alors découvert la fragilité de l’existence, mais aussi le monde hospitalier. Donc faire un film qui leur rend hommage avait beaucoup de sens pour moi : ma famille aurait pu être confrontée au don d’organes. De plus, il y avait dans le roman une dimension politique, quelque chose de très puissant sur la solidarité au sein de la société, qui me permettait de mettre à l’honneur cette chaîne humaine. D’une manière générale, je ne pourrais jamais faire un film qui ne se relie pas d’une manière organique à ma propre vie.
AVoir-ALire : Dès votre premier film, vous avez pu travailler avec des acteurs et actrices reconnu(e)s. Vous avez un secret ?
Katell Quillévéré : C’est vrai ! J’ai eu de la chance. Mais attention, quand on fait un premier film, à priori personne ne veut travailler avec vous. Plus on fait ses preuves, plus les actrices et acteurs sont tenté(e)s de vous rejoindre. J’ai eu l’opportunité de commencer à Cannes, pour mon premier court-métrage, puis pour mon premier long (Quinzaine des Réalisateurs 2010), ce qui a créé pour moi un début de notoriété. Je voudrais préciser que ma rencontre avec Michel Galabru a été une véritable aubaine pour moi. L’ayant vu au théâtre, je lui ai proposé de lire mon tout premier scénario de long métrage Un poison violent. Il a fonctionné au coup de cœur et a très vite accepté le rôle principal. J’ai découvert un homme délicieux et très gentil. J’ai aussi été très chanceuse que Lio accepte aussi de me faire confiance.
AVoir-ALire : Vous avez aussi coréalisé une mini-série. Comptez-vous revenir à la télévision et à ce format ?
Katell Quillévéré : Effectivement, avec Hélier Cisterne, nous avons coréalisé cette mini-série, Le monde de demain, pour ARTE. Pour moi, il n’y a pas de hiérarchie entre cinéma et télévision. L’un vient nourrir l’autre, l’un permet de respirer par rapport à l’autre. Ce sont des expériences très différentes en termes de fabrication et de financement etc... avec chacun leur complexité et leurs difficultés. Personnellement, ça m’aide psychologiquement de passer de l’un à l’autre. Pour les séries, ce n’est pas du tout la même écriture. Novices en la matière, Hélier et moi nous sommes rapprochés de scénaristes plus expérimentés dans ce domaine. C’est de l’écriture "à l’os" : toute scène doit avoir sa fonction dramaturgique, sinon elle saute ! Comme on est dans quelque chose de plus industriel, on est amené à jeter au montage un quart, si ce n’est un tiers de ce que l’on tourne, ce qui n’arrive jamais au cinéma. Par la relance, on doit donner l’envie aux téléspectateurs de regarder l’épisode suivant. J’espère bien pouvoir continuer l’alternance cinéma et télévision.
AVoir-ALire : Pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Katell Quillévéré : J’ai de nouveau un projet de série toujours produit par ARTE. Côté cinéma, je suis en train d’écrire le scénario de Cancan. Il s’agit de l’histoire de deux amies, danseuses de french-cancan à l’époque de sa création. Je veux sortir de la vision "cliché pour touristes" de cette danse, pour montrer la vraie libération qu’elle a en fait constitué pour les femmes, qui, pour la première fois, étaient autorisées à se produire sur scène sans les hommes. Pour me documenter, j’ai notamment revu French cancan de Jean Renoir, Moulin Rouge de John Huston et le plus récent Moulin Rouge de Baz Luhrmann. À ce niveau d’avancement, je n’ai pas encore travaillé à l’élaboration du casting.
* Katell Quillévéré ne l’a pas précisé, mais elle a été, avec Sébastien Bailly également scénariste et réalisateur, à l’origine de la création de ces rencontres.
** Hélier Cisterne est lui-même scénariste et cinéaste.
*** Roman de Maylis de Kerangal
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