Le 12 août 2018
Après une suite d’échecs divers (publics, critiques, financiers), la branche DC de la Warner, avec Aquaman et Shazam !, essaie de relancer le moteur poussif de sa machine à faire des super-héros au cinéma, sans Zack Snyder à la barre.
(c) Comic Con
Chaque année, le Comic-Con organisé à San Diego est l’occasion pour quantité de studios hollywoodiens de dégainer un arsenal d’exclusivités (des images inédites, des bandes-annonces, etc) ; une ostentation de force mercatique dans le but d’émoustiller les festivaliers, de créer une attente pour des longs-métrages qui ne sortiront, pour certains d’entre eux, pas avant de longs mois. Cette édition fut sans conteste dominée par la Warner, avec quatre vidéos promotionnelles dévoilées, dont deux relatives à la suite de Justice League.
- Copyright : © 2017 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. Photo Credit : Eric Charbonneau
- Yahya Abdul-Mateen II, Patrick Wilson, James Wan, Amber Heard et Jason Momoa (au Warner Bros. Pictures "The Big Picture", au 2018 CinemaCon, le mardi 24 avril 2018, à Las Vegas.
- AQUAMAN Copyright : © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. Photo Credit : ERIC CHARBONNEAU
- (L-R) JASON MOMOA, YAHYA ABDUL-MATEEN II, JAMES WAN, PATRICK WILSON, NICOLE KIDMAN et AMBER HEARD à la présentation Warner Bros. Pictures du Comic-Con International : 2018, au San Diego Hall
Lancé en 2013, à la suite de la trilogie consacrée au Chevalier Noir signée Christopher Nolan, l’univers cinématographique DC, qui se voulait comme le prétendant le plus sérieux au titre de concurrent de Marvel et de son univers étendu très populaire – nous décrivons là une époque bien antérieure à la nôtre et à la prolifération inquiétante de ces hasardeux organismes composés de longs-métrages formant un corps cohérent, du « Dark Universe » (aujourd’hui avorté) sous la houlette Universal, à celui instauré par Disney autour de la saga Star Wars –, se pâmait également de représenter la parfaite antinomie de son émule, avec ses héros torturés et son esthétique noirâtre. L’architecte tout désigné de cet univers en parfaite filiation avec les trois films de Nolan et de sa noirceur réaliste, Zack Snyder, qui avait parfaitement rendu sa copie avec son adaptation stylisée et visuellement fidèle de Watchmen – les gardiens en 2009 (qui fut un échec en salles), ne se fit pas prier pour imposer son style à l’entreprise.
Cinq années et cinq films plus tard, les temps ont changé : Snyder n’est plus maître à bord et l’univers étendu en perpétuel remue-ménage. Man of Steel s’est révélé être un petit succès, Batman V Superman – l’aube de la justice un magma de moult velléités de producteurs (un agrandissement monumental et subit de l’univers, une entrée en scène d’une pléiade de nouveaux héros, et nous en passons) sauvé par les visions dantesques de son maître-d’œuvre Zack Snyder qui, malgré son score mirobolant au box-office international (873 millions de dollars engrangés), a remué les foules et divisé comme jamais les fans – jusqu’à l’édition en blu-ray d’une version longue qui aura davantage mis les spectateurs en agrément –, poussant les producteurs à corriger leur stratégie – c’est-à-dire retourner leur veste séance tenante, et abandonner l’identité ténébreuse du DCU. En a résulté l’aberrant Suicide Squad (sorti quelques mois plus tard), véritable champ de bataille, cendres encore fumantes résultantes d’un projet dont la nature même aura évolué tout au long du processus de création, soigneusement abhorré par l’entièreté de la planète, ne l’empêchant par ailleurs de se rendre en masse dans les salles, transformant cet amas de nullité en succès financier, avec un résultat final de presque 750 millions de dollars de recette. L’année 2016 marquera par conséquent le moment charnière, celle durant laquelle DC ne semble plus maîtriser grand chose, ni savoir quoi offrir à un public qu’il ne comprend pas. L’année 2017 sera plus fade, et démontrera l’état de décomposition avancé de l’univers étendu DC, avec un long-métrage au mieux moyen dédié à la super-guerrière amazone Wonder Woman, et l’anodin Justice League, ratage à peu près total.
- (c) WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.
- Batman V Superman : l’aube de la discorde
Après quelques remous en coulisses, le DCU – renommé pour l’occasion « Les mondes de DC » – s’est décidé à nous démontrer qu’il était encore le concurrent le plus sérieux de Marvel, avec ses deux prochains gros films : Aquaman et Shazam !. Avertissement toutefois aux aficionados du style originel des super-héros DC, qui risquent bien de demeurer ahuris face aux vannes lâchées à tour de bras durant les quelques minutes de vidéo, et à tous ceux dont la vue est fragile : certains effets spéciaux pourraient avoir la fâcheuse tendance à vous rayer le cristallin.
Aquaman, apparu quelques secondes dans Batman V Superman, et un peu plus longtemps dans Justice League, sera le premier à apparaître dans nos salles : il débarquera en effet le 19 décembre 2018 en France, et, à 6 mois de sa sortie, nous étions presque inquiets de ne voir nulle image promotionnelle. Les éléments enthousiasmants plaidaient pourtant en faveur du long-métrage : un réalisateur qui, s’il n’excelle pas par sa vision radicale, s’est avéré un solide technicien en terme d’action – on se souviendra de l’emphatique mais maîtrisé Fast and Furious 7, sauvé par ses scènes pyrotechniques plutôt impressionnantes – et un générique de qualité (la montagne de charisme Jason Momoa, Amber Heard, Willem Dafoe, Patrick Wilson, Nicole Kidman et Dolph Lundgren pour l’incarnation ; l’équipe en charge de Mad Max Fury Road pour les cascades) sont autant d’arguments favorables à la conception d’un vrai morceau de cinéma. C’est dire si nous attendions avec intérêt les premières images.
- © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. Photo Credit : Courtesy of Warner Bros. Pictures Caption : (L-R) TEMUERA MORRISON as Tom Curry and NICOLE KIDMAN as Atlanna in Warner Bros. Pictures’ action adventure "AQUAMAN," a Warner Bros. Pictures release.
Ces dernières sont donc parvenus à nos sens curieux, presque impatients, et le résultat est pour le moins inégal : les effets spéciaux sont loin d’être peaufinés, la quête du héros ne paraît pas être d’une originalité folle, et il est à craindre de se retrouver une fois de plus face à une interminable séquence de bataille finale titanesque et complètement générée par ordinateur – l’un des gros points faibles du DCU, qui ne parvient pas à extraire cette finalité de ses scénarii, et qui entache sérieusement ses productions. Malgré tout, le sens du filmage de Wan paraît être de la partie, certaines visions entre ciel et mer sont dantesques et un équilibre idéal semble avoir été atteint concernant le ton du long-métrage. Toutefois, ce ne sont là que supputations, et nous patienterons 6 mois avant d’arrêter notre avis sur la question de cet homme d’Atlantide.
- (c) 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.
- Jason Momoa est L’homme aquatique
Le deuxième projet se nomme Shazam !, curieux choix de rebondissement pour le studio, qui constitue cependant un témoignage éclairant au propos de la route qu’ils ont désormais choisi d’emprunter. Bien moins connu que ses futurs acolytes de la ligue des justiciers que sont Superman, Batman, Wonder Woman, ou même Aquaman, le super-héros Shazam a la particularité de n’être qu’un enfant, qui, dès qu’il prononce le mot « Shazam », possède de conséquentes capacités surhumaines, héritées d’un vieux sorcier qui lui a légué ses pouvoirs. Réalisé par David F. Sandberg, issu comme Wan du genre horrifique (Dans le noir et Annabelle 2 : la création du mal), et porté par le comédien Zachari Levi, le film est vendu sur la promesse suprême d’offrir au public un moment empli d’humour. Attendu – aux États-Unis, le film n’ayant présentement pas de date de sortie française – pour le 5 avril 2019, Shazam ! nous a présenté ce qu’il avait dans le ventre, et, au vu de cette longue bande-annonce, il paraît certain que tout a été misé sur ce qui constituerait presque un comble pour le studio de la trilogie du Chevalier Noir de Nolan, mais qui représente de fait la nouvelle âme de ces longs métrages : la légèreté. Il semble même tellement accaparé par cette question d’amusement – qui frôle parfois la lourdeur – que le reste se présente comme secondaire (la réalisation est complètement impersonnelle, la photographie fade, le choix de Mark Strong en méchant sans surprise aucune). Avec Shazam !, la firme DC a finalement l’air d’avoir retenu une leçon majeure de son concurrent Marvel, en faisant de son public cible les enfants.
- (c) 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. / Steve Wilkie/ & (c) DC Entertainment
- Shazam est là
DC – et plus globalement la Warner – a donc, après des longs-métrages hybrides, terminé sa mutation, et se présente aujourd’hui comme un voisin envieux de Marvel, au passé artistique aussi éphémère que glorieux et au futur pour le moins nébuleux. Les deux œuvres sur lesquelles nous venons de nous épancher sont une preuve supplémentaire de la victoire du banal et de l’éprouvé sur le risque, des accords de producteurs sur les volontés d’artistes et la création d’imaginaire ; un constat que ne viendront pas contredire les diverses bandes-annonces dévoilées par le studio durant le Comic-Con (les suites ou démarrages d’univers étendus Les animaux fantastiques 2 : les crimes de Grindewald et Godzilla 2 : le roi des monstres, films aux allures de produits dérivés conçus d’après des marques sûres et par des réalisateurs dociles et peu inspirés), et la récente relégation du très attendu Mowgli d’Andy Serkis chez Netflix, et qui nous rend, forcément, un peu tristes.
- © 2018 Warner Bros - New Line Cinéma - DC Entertainment. Tous droits réservés.
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