Sur les traces des archéologues – Séverine Laliberté, Nicolas Gobbi – la chronique BD

Critique : Comment travaille concrètement une équipe d’archéologues ? C’est ce premier « mystère » que dévoile Sur les traces des archéologues, album au titre bien choisi : si l’enquête autour des kites est bien évidemment passionnante, le lecteur en apprend tout autant sur la manière dont travaillent les archéologues. Loin du mythe véhiculé par Indiana Jones, ces scientifiques progressent par petites pas, mobilisent des techniques scientifiques modernes – drones, satellites, techniques de datation... – qui contrastent avec les conditions précaires de fouilles. En effet, les archéologues qui se rendent dans des régions arides dorment dans des tentes, sont rationnés en eau – la douche est un luxe – et passent plusieurs semaines à plusieurs dizaines de kilomètres du premier village. Mais ces missions sont d’abord vécues comme une aventure, et celles-ci sont l’occasion de tisser des liens et de mettre en commun son savoir.

© Séverine Laliberté, Nicolas Gobbi / Steinkis

Archéologue de formation et membre d’Archéorient impliquée dans le projet, Séverine Laliberté offre un regard réaliste, bienveillant et drôle sur son métier. La scénariste peint en particulier ses collègues avec beaucoup d’humour, notamment lorsque ceux-ci s’enthousiasme sur des éléments qu’un profane jugerait totalement insignifiant ou qu’ils bricolent des solutions. Loin d’être un rat de bibliothèque, l’archéologue est avant tout un homme – ou une femme ! – de terrain. L’un des tours de force de l’album est de réussir à raconter au lecteur de manière ludique des procédures administratives (obtenir un fonds de l’Agence nationale de la Recherche, contacter les autorités locales) et de vulgariser du vocabulaire scientifique complexe. À cet égard, Sur les traces des archéologues est une vraie réussite.

Enfin, l’autrice déconstruit le raisonnement des archéologues sur leur objet de recherche, les fameux « desert kites » : à travers différents dialogues et la mise en scène des fouilles, l’album montre de façon pédagogique les différentes étapes de ce vaste travail, en insistant sur son caractère collectif. Il n’y a pas un héros, mais un ensemble de scientifiques qui mettent en commun leurs compétences, parfois très spécifiques.

© Séverine Laliberté, Nicolas Gobbi / Steinkis

Le dessin de Nicolas Gobbi, habitué de la bande dessinée documentaire, s’avère très fonctionne pour donner vie à cette histoire : son trait fin croque avec simplicité ses personnages, la mise en couleurs par aplats rend l’ensemble très lisible. Plusieurs cartes insérées dans le récit permettent au lecteur de se repérer facilement car, de la France au Kazakhstan en passant par l’Arménie et l’Arabie Saoudite, on voyage beaucoup dans cet album !

Bien conçu dans son propos et son dessin, Sur les traces des archéologues est un album documentaire habile à mettre dans les mains de celles et ceux qui s’intéressent à l’archéologie telle qu’elle se pratique réellement. Dans sa manière de raconter, le propos de cet album rappelle celui de Mazan, dessinateur des Dinosaures du paradis, qui avait retracé l’aventure humaine autour du chantier de fouilles paléontologique d’Angeac-Charente.