Le 30 décembre 2025
- Réalisateur : Joséphine Japy
- Acteur : Angelina Woreth
- Distributeur : Apollo Films
- Festival : Festival d’Angoulême 2025
– Sortie en salle : 31 décembre 2025
Nous avons échangé au Festival d’Angoulême avec la réalisatrice et l’une des actrices principale de ce beau et délicat premier film.
Le premier long métrage en tant que réalisatrice de Joséphine Japy a ému aux larmes les spectateurs du Festival de Cannes puis de nombreux autres festivaliers au cours des derniers mois. C’est justement au Festival du Film Francophone d’Angoulême que nous avons eu l’occasion d’échanger avec la prometteuse cinéaste, ainsi qu’avec sa gracieuse actrice, Angelina Woreth.
Ce qui frappe au cœur avec ce film, c’est sa douceur et sa poésie. C’était nécessaire de vous inscrire dans une telle démarche ?
Joséphine Japy : La poésie était une manière de rentrer dans le monde de Bertille. Un monde qui ne devait pas être hermétique. Je voulais que les spectateurs aient le désir d’entrer dans l’univers de cette jeune sœur handicapée. J’ai compris que la poésie de ce personnage était la meilleure manière d’ouvrir cette porte au public. Cela passait par des éléments comme l’eau, la mer, le rapport au langage, à la musique, au chant, au son… Tout un ensemble de choses assez sensorielles que nous avons travaillé à l’image mais aussi en post-production.
Angelina, votre personnage, c’est Joséphine ?
Angelina Woreth : Je pense que c’est un mélange de moi, d’un personnage inventé, et de l’histoire personnelle de Joséphine. Mais elle ne m’a jamais dirigé pour que mon personnage lui ressemble. Elle a traité le film comme une fiction. Il n’était jamais question d’imiter ou de ressembler à qui que ce soit. Ce personnage lui ressemble peut-être mais à quel point ? Cela reste son monde secret à elle. Je me suis attachée à jouer une jeune fille qui vit un moment de transition, de bascule entre l’adolescence et l’âge adulte, tout en grandissant dans une famille particulière.

- Mélanie Laurent, Sarah Pachoud, Angelina Woreth
- © 2025 Cowboys Films, Apollo Films. Tous droits réservés.
Justement, ce qui m’a toujours frappé chez vous Joséphine, c’est votre maturité. Dès votre plus jeune âge, on vous sentait déjà adulte. N’est-ce pas là un point important de votre histoire personnelle et de votre film : une jeune fille qui, par la force des événements, devient adulte très précocement ?
Joséphine Japy : C’est exactement le sujet du film et du personnage de Marion. Nous en avons beaucoup parlé avec Angelina qui, malgré sa jeunesse, me semblait avoir une identité tellement construite. J’avais le sentiment qu’elle avait déjà vu et vécu beaucoup de choses. C’est là que nous nous sommes retrouvées, que nous nous sommes senties en symbiose. C’est cela qui a permis de construire le personnage de Marion : ce paradoxe entre une jeune femme très construite dans ses responsabilités, dans son rapport à sa famille, à sa sœur, et en même temps qui s’avère si jeune, si inexpérimentée, notamment dans sa vision de l’amour. D’où cette histoire amoureuse qui rappelle aux spectateurs qu’elle n’a que dix-sept ans alors que ses responsabilités sont celles que la plupart des individus connaissent lorsqu’ils deviennent parents. C’est ce paradoxe que j’ai ressenti, que j’ai vécu, et que j’ai observé chez d’autres frères et sœurs de personnes en situation de handicap. C’est peut-être là où j’ai voulu leur rendre hommage et leur rappeler qu’il est aussi nécessaire de vivre son jeune âge.
L’autre paradoxe est que malgré la confrontation de cette famille à une situation complexe et peu enviable, elle semble néanmoins vivre des moments de grâce et de tendresse infinie…
Joséphine Japy : Même si je ne suis pas amatrice de phrase toute faite telle que « ce qui ne tue pas rend plus fort » çar un drame reste un drame, il est vrai que la question du handicap peut faire ressortir quelque chose d’extrêmement fertile. C’est ce que j’ai ressenti avec ma sœur. Notre relation a bousculé mes priorités. À tel point qu’aujourd’hui, à titre d’exemple, j’ai une obsession pour tout ce qui est non verbal, même dans mon jeu d’actrice. En tant que comédienne, j’adore quand on ne me fait pas parler, et qu’on me fait juste ressentir ou exprimer des émotions. C’est quelque chose que ma sœur m’a appris. Lorsque vous passez vos journées avec quelqu’un qui ne parle pas mais vit pourtant des émotions tellement fortes et avec qui vous avez l’impression de communiquer, cela vous ouvre de nouvelles portes sur la manière de penser vos rapports aux autres, ou à vivre au quotidien avec quelqu’un. D’ailleurs, sur le tournage, au fur et à mesure des journées, j’avais l’impression qu’une sorte de cocon s’était créé. Nous avons commencé par tourner beaucoup de scènes avec tous les membres de la famille, et il y avait comme une bulle qui s’était formée entre eux. Notamment entre Sarah et Angelina, alors qu’elles sont très différentes l’une de l’autre. Mais elles ont créé une sororité et se sont trouvées car elles avaient cela à jouer.

- Mélanie Laurent, Pierre-Yves Cardinal
- © 2025 Cowboys Films, Apollo Films. Tous droits réservés.
Angelina Woreth : C’est vrai. Deux sœurs peuvent être très différentes l’une de l’autre, mais un lien demeure quoi qu’il arrive. C’est ce qui s’est passé avec Sarah et moi car oui, nous sommes très différentes, nous n’avons ni les mêmes centres d’intérêt, ni les mêmes rythmes de vie, mais nous nous sommes trouvées à un endroit où ni l’une ni l’autre ne se jaugeaient mutuellement. Comme des sœurs qui se soutiennent malgré leurs différences.
Qui brille au combat étant votre premier film en tant que réalisatrice, vous êtes-vous sentie à votre place en vous retrouvant à diriger un plateau de cinéma ?
Joséphine Japy : Je n’avais pas trop le choix. Dès le premier jour, toute mon équipe était là et s’était démenée pour arriver sur ce premier jour de tournage, alors il fallait assumer. De plus, j’avais une équipe fantastique qui m’a permis de me sentir à ma place très vite. Je crois que c’est pour cette raison que de nombreux premiers films sont adaptés d’histoires personnelles. C’est comme une boussole. Le ressenti du film est irremplaçable dès lors qu’il est adapté d’une partie de votre histoire. Cela vous permet de voir tout de suite si quelque chose n’est pas à sa juste place. Mes souvenirs m’ont guidée et m’ont permis de me sentir légitime. Après tout, si je n’avais pas raconté mon histoire, qui d’autre l’aurait fait ?
Si ce film véhicule autant d’amour et de douceur, on ne peut s’empêcher de penser qu’il en a été de même dans votre collaboration, entre vous deux mais aussi avec toute l’équipe… Cela a-t-il été le cas ?
Angelina Woreth : En effet ! Ce tournage a été probablement le plus sain de ma vie. On ne va pas se mentir : nous faisons un métier particulier, dans un milieu particulier, et un tournage n’est pas toujours une partie de plaisir car on n’y croise pas toujours des personnes faciles. Mais là, tout était particulièrement doux, apaisant, bienveillant, familial, dans l’écoute. Joséphine n’avait aucun moment de latence, elle savait ce qu’elle voulait, était directive mais de manière agréable car elle savait ce qu’elle voulait. À titre personnel, j’ai besoin de me sentir dirigée et elle savait quoi me dire pour m’amener aux émotions qu’elle voulait. C’est aussi parce que nous avons créé un lien où nous pouvions vraiment nous parler. Je pouvais lui exprimer mes doutes et inversement. Tout était hyper fluide, presque organique.
Et enfin, l’autre force de ce film, c’est que bien qu’il soit tiré de votre histoire familiale, il n’en demeure pas moins accessible et universel. Comment avez-vous fait ?
Joséphine Japy : Je voulais d’abord que cette histoire soit un hommage pour les personnes en situation de handicap. Il fallait que cette sœur handicapée fasse battre le cœur du film. Cela m’a permis de me dire que ce projet n’était pas qu’un « ego boost » personnel (rires). C’est avant tout l’histoire de ma sœur. D’où le fait que j’ai conservé son nom dans le film. Rendre cette histoire universelle était effectivement primordial. C’est pour cela que je voulais que ce soit avant tout l’histoire d’une famille et de ce que cela implique d’éprouver un amour inconditionnel pour quelqu’un. L’amour inconditionnel amène à repenser la vie, à faire des sacrifices. Et cela, c’est quelque chose que l’on connaît tous. Quand on aime inconditionnellement, on se retrouve à un endroit que l’on n’avait pas imaginé, pour le plus difficile mais aussi, parfois, pour le meilleur. C’est là que j’espère que tout le monde pourra y voir une part de sa vie.
Propos recueillis par Nicolas Colle
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