Le 28 mai 2025

- Acteur : Solal Bouloudnine
Solal Bouloudnine a été dirigé par Noé Debré dans Le dernier des juifs et la série Le sens des choses. Il s’est produit au théâtre dans un seul-en-scène, La Fin du début.
On a croisé Solal Bouloudnine pour la première fois dans Le dernier des juifs, où il campait le cousin hâbleur du jeune héros. Un film de Noé Debré, qu’il a retrouvé depuis dans la non moins recommandable série Le sens des choses. Forcément intrigué après ces deux rôles marquants, on s’est empressé d’aller voir La Fin du début, son seul-en-scène qui se jouait jusqu’il y a peu au parisien théâtre Lepic. Un petit bijou d’autobiographie, aussi mélancolique que désopilant, dans lequel un quadra se frotte, dans les confins de sa chambre reconstituée, à la vie, la mort et aux chansons de Michel Berger. Rencontre.
Vous mettez en scène votre enfance dans La Fin du début. On découvre que, tout petit déjà, vous faisiez rire la galerie…
Oui, très tôt, j’ai eu envie de faire ça : des spectacles, des sketchs. On m’a très vite mis en garde, on m’a dit que ce n’était pas vraiment un métier. Ce n’est jamais sécurisant pour les parents quand un enfant veut être artiste ! Mon père est chirurgien, ma mère était femme au foyer, mes deux grands frères sont docteurs – c’était un peu la voie royale… Aujourd’hui, ils voient cela d’un bon œil mais ; moi qui suis devenu père, je vois en quoi ça peut faire peur. J’ai toujours suivi des cours de théâtre ; d’abord des – tout – petits cours, puis j’ai fait le Conservatoire de Toulon, puis une école à Cannes, etc.
Quelles étaient vos inspirations, qu’est-ce qui vous faisait rire ? Dans le livret du spectacle, vous remerciez notamment Robin Williams, qui avait cette capacité de changer sa voix, comme vous le faites.
Mes parents et ma famille m’inspiraient, et je suis aussi un enfant de la télé ; j’ai beaucoup regardé les séries des années 1990, le Club Dorothée, Les Nuls, des films comme Les Goonies, Hook, Retour vers le futur… Pour ce qui est de changer sa voix : quand j’étais gamin, j’étais féru de politique, je connaissais très bien le gouvernement, les députés, et je les imitais. J’avais envie de faire Sciences Po, même si je ne savais pas ce que c’était ! J’avais dix ans lors des élections de 1995, c’était un grand moment pour moi. Et, oui, c’est quelque chose qui m’est resté, j’adore encore déformer ma voix et imiter les gens.
Une autre influence importante pour vous, c’est celle de Michel Berger, dont la mort sert de point de départ au spectacle. Qu’est-ce qui vous a tant marqué, chez lui ?
Toutes ses chansons ont une tonalité mélancolique, nostalgique et, déjà enfant, j’étais nostalgique. Nostalgique de quoi ? Je ne sais pas, mais je me rendais compte que je passais un moment chouette, qui n’allait pas durer longtemps… Je me souviens de l’annonce de sa mort, ça a été un déclic pour moi, c’est le moment où je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas que les personnes âgées, les papis et les mamies, qui mouraient. Sa musique, sa voix, ses paroles, me touchaient beaucoup et me touchent encore plus aujourd’hui. Ses chagrins aussi – puisqu’il avait perdu Véronique Sanson, et j’ai l’impression que c’est quelque chose qui était toujours là, en lui. Comme Robin Williams, j’arrive facilement à entrevoir l’enfant qu’il était. Ce sont des enfants piégés dans des corps d’adultes.
Dans La Fin du début, de fait, on rit beaucoup mais le drame n’est jamais très loin.
Oui, les films que je préfère sont ceux qui arrivent à faire rire en même temps que pleurer. Si on prend un film comme Madame Doubtfire, on pleure, on rigole quand on est enfant, on peut même y apprendre des choses quand on est parent. J’adore les « grosses » comédies mais, pour moi, la mélancolie dans la comédie, c’est l’apothéose.
Cette nostalgie, cette conscience de la mort, le spectacle vous a permis de l’exorciser ?
Malheureusement non, ça ne vous quitte jamais. Cela permet de le conscientiser, d’avancer un peu sur le sujet ou, parfois, de l’aggraver ! C’est par exemple le cas lorsque je pense à mes enfants. Mais, ce qui est génial, c’est d’en rire. On n’a pas le choix, puisque c’est la seule chose sur laquelle on n’a pas de doute ; on sait que ça va arriver à un moment ou un autre, donc vaut mieux en rire.
Comment en êtes-vous venu à cette idée du seul-en-scène autobiographique ?
Au début, cela me gênait un peu de ne parler que de moi dans le spectacle, je trouvais ça mégalo… Puis, j’ai compris que, plus on est intime, plus on est honnête avec sa propre histoire, alors plus on touchera de personnes. J’ai vu aussi comment ma petite histoire pouvait résonner avec celle de Michel, dont la mort a été un traumatisme pour beaucoup de gens. Tout le monde se souvient de ce qu’il faisait au moment où il a appris sa mort.
L’idée, c’était donc de voir comment je pouvais me débarrasser de cette mégalomanie – c’est pour ça que je me suis permis de jouer des personnages qui n’avaient rien à voir avec mon histoire. D’ailleurs, plein de choses racontées dans le spectacle sont fausses ! J’ai coécrit La Fin du début avec Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon. J’avais l’idée d’un spectacle qui commencerait par la fin, d’un spectacle écrit un peu comme un film. C’est un truc qui peut paraître un peu stupide, mais philosophiquement intéressant.
Comment votre travail avec vos coauteurs s’est-il passé ?
Je n’aurais jamais pu écrire La Fin du début sans eux. Ils ont été d’une grande écoute et d’un grand soutien pour l’écriture. Car, pour arriver à la version finale du spectacle, il a fallu passer par de nombreuses versions, reprendre certains morceaux, réécrire certaines scènes… J’avais aussi besoin d’eux pour m’assurer que j’allais dans la bonne direction, car l’écriture d’un seul-en-scène où l’on se livre soi-même est un moment de paranoïa énorme !
Outre votre travail personnel, vous avez aussi joué dans des pièces et des œuvres collectives, notamment avec la troupe des Chiens de Navarre. Comment ces rencontres se sont-elles faites ?
Pour Les Chiens de Navarre, par exemple, je suivais ce qu’ils faisaient depuis très longtemps. Or, Jean-Christophe Meurisse avait entendu lui aussi parler de mon travail et m’a proposé de jouer avec eux. Un de mes rêves se réalisait ! Cela dit, cela a aussi fait poindre chez moi une certaine frustration puisqu’on devait fournir nos propres textes pour l’improvisation et que, à la fin, c’est le metteur en scène qui choisissait. Il faut être efficace, avoir la bonne idée au bon moment – c’est imparable. J’étais assez mal à l’aise car il fallait un peu pousser les autres pour se faire une place et avoir une scène… La scène du rabbin dans La Fin du début, par exemple, je l’avais écrite à cette époque-là. Je n’avais pas eu l’occasion de la jouer et je m’étais dit : « Tiens, il faudra que je la joue un jour, peut-être dans mon spectacle… » Quand on est comédien, c’est le metteur en scène qui reste décisionnaire. Moi, j’avais envie d’être à la fois auteur et acteur – j’ai souvent une intime conviction de ce que j’ai envie de faire et j’y vais à fond.
Puis est venu le cinéma. C’était un autre de vos rêves ?
Bien sûr. C’était aussi un rêve de faire du cinéma, à la fois en tant qu’acteur et que réalisateur. Pourtant, quand on vient du théâtre, qu’on a un certain âge, c’est difficile de débuter dans le cinéma. La Fin du début était aussi le moyen de montrer ce que je faisais, et cela a été un pari gagnant. La rencontre avec Noé Debré, par exemple, s’est faite par la pièce des Chiens de Navarre : lui voit beaucoup de pièces, il note les acteurs qu’il a vus et qui l’intéressent ! J’ai travaillé avec lui sur son deuxième court-métrage puis son premier long-métrage, Le dernier des juifs. Concernant Le sens des choses, on était devenus amis entretemps et il m’a proposé de passer les castings.
Quels sont vos projets actuels ?
J’ai plusieurs idées de films, et un projet de série, avec des scénaristes d’En thérapie. Je vais également jouer Roger Hanin dans Mitterrand, confidentiel, téléfilm avec Denis Podalydès dans le rôle-titre. À part ça, il y a plein de rôles que j’ai envie de jouer : des méchants, des gens horribles, des personnages de dessins animés, de podcasts…
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