Le 25 avril 2025


- Réalisateur : Henri-Georges Clouzot
- Scénariste : Nicolas Badout>
- Dessinateur : Nicolas Badout
- Genre : Adaptation, Thriller, Chronique sociale
- Editeur : Sarbacane
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 5 mars 2025
Nicolas Badout adapte en bande dessinée le scénario du film inachevé d’Henri-Georges Clouzot, et propose un thriller glaçant, au graphisme soigné.
Résumé : Jeunes mariés, Odette et Marcel sont dans les années soixante les gérants d’un hôtel dans un village sans histoire situé dans le Cantal, près du magnifique lac de Grandval. Tout devrait leur sourire… Et pourtant : persuadé que son épouse la manipule et le trompe avec la clientèle de l’hôtel, Marcel sombre progressivement dans la paranoïa. Il dort mal, devient odieux avec les clients – dont il est persuadé qu’ils rient de lui derrière son dos – et a des hallucinations auditives… À bout de nerfs, il questionne sans cesse sa femme, la suit, la menace, jusqu’à ce que…
Critique : Pour sa première bande dessinée, Nicolas Badout s’attaque à un monument du cinéma français : Henri-Georges Clouzot (1907-1977). L’enfer est en effet un projet inachevé du réalisateur : censé révolutionner le cinéma par ses effets colorimétriques, le film dispose d’un gros budget et accueille les stars de son époque, dont Romy Schneider et Serge Reggiani. Mais le tournage, qui se déroule durant l’été 1964, se déroule mal et s’interrompt définitivement après l’infarctus du réalisateur. L’enfer rejoint dès lors la catégorie des « films maudits » : le documentaire de L’enfer d’Henri-Georges Clouzot revient d’ailleurs sur les conditions particulières de ce tournage, que résume en quelques paragraphes Nicolas Badout dans la préface de son album. Le dessinateur précise également que sa bande dessinée « est le fruit de nombreuses recherches, comme un pont entre tous les écrits, films, documentaires, qui ont été réalisés sur le sujet ». Badout se fonde sur le scénario original de Clouzot ainsi que sur les rushes et documents de tournage pour construire un album qui tient à la fois de l’hommage que de l’adaptation.
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- Nicolas Badout d’après Henri-Georges Clouzot / Sarbacane
Si son scénario a été imaginé dans les années 1960, L’enfer traite du thème très actuel des violences conjugales, sous la forme d’un thriller psychologique. L’album est construit sur une unité de lieu, ce village du Cantal situé près du charmant lac de Grandval, et son hôtel où se déroule la majeure partie du récit. Comme Odette, le lecteur est prisonnier de cet espace charmant mais cloisonné. Dans sa seconde partie, le récit se déroule quasi-exclusivement dans l’hôtel, ce qui accentue la sensation oppressante d’enfermement, que retranscrit également très bien le dessin avec ses aplats de noirs et ses volumes géométriques.
Le récit se focalise sur Marcel, dont on perçoit les pensées tourmentées. En faisant ce choix, le récit nous interroge sur les mécanismes de la psychose du personnage, quitte à mettre le lecteur dans une position inconfortable. Dès les premières pages, qui présentent Marcel dans la chambre conjugale avec son épouse attachée au lit et visiblement droguée, on comprend que l’homme a sombré dans la folie. Reste à savoir – et c’est le principal enjeu du récit – comment un individu apparemment sans histoire et propre sur lui a pu s’abîmer de la sorte, et pourquoi personne n’a réagi : après tout, le couple travaillent dans un lieu où, par définition, il y a beaucoup de passage…
- Nicolas Badout d’après Henri-Georges Clouzot / Sarbacane
La proposition graphique de Nicolas Badout s’avère particulièrement convaincante. Les lignes géométriques de son trait sont probablement marquées par ses années d’études en écoles d’architecture comme un certain Lucas Harari, dont on peut le rapprocher sur le plan graphique. Nicolas Badout reconstitue ainsi avec finesse les décors de la France rurale des années soixante. L’utilisation du noir et blanc avec des trames de gris, les « gueules » de ses personnages masculins rappellent vraiment le cinéma des années soixante. Pour représenter la folie de son personnage, le dessinateur déforme la perspective. Quelques scènes clés, et notamment les fantasmes de Marcel, sont représentées par un nuancier de couleurs rouges, comme on l’observe également sur la couverture. Les jeux d’ombres et de lumière s’avèrent également particulièrement réussis.
Thriller adapté du film « maudit » d’Henri-Georges Clouzot, L’enfer traite des violences conjugales dans la France rurale des années soixante à travers la perspective de Marcel, un homme d’apparence ordinaire qui a sombré dans la psychose. La proposition graphique forte de Nicolas Badout donne une nouvelle jeunesse à ce récit qui, s’il a été pensé dans les années soixante, n’a malheureusement rien perdu de son actualité.
176 pages – 26 €
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