Le 7 octobre 2025
- Réalisateur : Hubert Charuel
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Date de sortie : 8 octobre 2025
- Festival : Festival d’Angoulême 2017, Festival de Cannes 2025
– Sortie en salle : 8 octobre 2025
Nous avons échangé avec Hubert Charuel et Claude Le Pape à l’occasion de la présentation de Météors au Festival du Film Francophone d’Angoulême.
Auréolés du succès de Petit paysan qu’ils ont coécrit, Hubert Charuel et Claude Le Pape collaborent à nouveau sur Météors, une œuvre poignante qui suit une jeunesse en déshérence dans le territoire déserté de la Haute-Marne. Un film social, certes, mais surtout un grand récit d’amitié, doté d’une touche de thriller, voire de science-fiction.
Tout d’abord, votre film s’avère très différent de Petit oaysan et pourtant, on peut y déceler une filiation, que ce soit à travers le territoire de la Haute-Marne, une jeunesse désœuvrée, ou encore des notes de thriller à l’intérieur d’un film social.
Hubert Charuel : C’est tout le pari d’un deuxième film. Il est clair qu’après Petit paysan, je tenais à m’éloigner de l’univers agricole, et en même temps ce sont mes racines. L’idée de ce premier film était de parler de ma vie fantasmée si j’étais resté sur l’exploitation de mes parents. Météors revient plutôt sur la jeunesse que j’ai vécue sur ce territoire, près de Saint-Dizier, dans une sorte de déshérence. Ici, on pousse le curseur des différents genres, du film social au thriller, du buddy movie à la science-fiction.
Claude Le Pape : Il y a peut-être un parallèle, certes inconscient, mais que l’on peut obserer entre ces deux films. En l’occurrence, Petit paysan suivait un homme obsédé à l’idée de sauver ses vaches et sa ferme. Ici aussi, nous abordons une sorte d’obstination aveugle, protectrice et destructrice. Nos héros se retrouvent dans des combats perdus d’avance mais qu’il faut mener, pour sauver leur exploitation dans Petit paysan, ou se sauver eux-mêmes dans Météors.

- Copyright Pyramide Distribution
Une profonde amitié unit vos personnages mais celle-ci ne s’avère t-elle pas un peu toxique ?
Claude Le Pape : Ce n’est par tant leur amitié qui est toxique : au contraire, elle est très belle et désintéressée. Le problème, c’est que leur amitié est détruite par l’alcoolisme et la dépendance de l’un d’entre eux. Le personnage de Daniel ne doit pas tant se libérer de son ami Mika, mais de ce qu’ils vivent ensemble. Pour se changer, il doit changer sa manière de vivre. Or sa manière de vivre n’est basée que sur son amitié avec Mika. On ne peut pas changer à deux. Ils ne veulent pas se séparer, mais c’est le seul moyen de survivre. Ils veulent s’aider mais ils s’aident mal. C’est d’une impuissance tragique.
Hubert Charuel : Ce sont des personnes qui s’aiment vraiment mais ne peuvent pas être ensemble. Qu’est ce que l’amour ? Ce n’est pas que de la romance. Cela peut aussi être de l’amitié. Mais quand la survie passe par la séparation, on ne peut que s’y résoudre. Ils s’aimeront toujours… mais ils ne pourront plus le partager.
Autre originalité de ce film : le décor inédit de la poubelle nucléaire…
Hubert Charuel : Je voulais raconter le territoire où j’ai grandi. Plus précisément, j’ai vécu à quinze kilomètres d’une de ces grandes bâtisses. Ce sont des centres de stockage de déchets radioactifs. Cela rejoint la thématique de toxicité. Pourtant, ce n’est pas de gaité de cœur que la Haute-Marne accueille de tels centres mais cela génère une économie importante pour faire vivre le territoire qui, sans cela, pourrait disparaître.
Selon vous, ce territoire est néfaste...
Claude Le Pape : On peut être attaché à quelque chose que l’on sait dangereux. C’est un territoire incroyablement mal traité, avec aucune perspective. Dans ce contexte, les jeunes boivent, fument et n’avancent pas. C’est tragique. Or pour partir il faut de l’argent. Mais quand tu n’as pas de travail, tu ne gagnes pas d’argent. Donc tu bois pour tuer l’ennui. Et pour partir il faut une voiture, mais quand tu bois on te retire ton permis. Et tu n’as pas d’argent pour le repasser. C’est sans fin.
Hubert Charuel : En fait, avec ce film, je voulais certes parler des personnes avec lesquelles j’ai grandi, mais en vérité, Météors est encore plus intime que cela car j’y évoque surtout mon cousin avec lequel j’ai grandi et qui fait même partie de mon histoire de cinéma. Je l’ai emmené avec moi à Paris. Une ville proche de chez nous alors que c’est tout un autre monde. La souffrance du personnage de Daniel, c’est celle de mon cousin. Il est parti en prenant conscience qu’il n’avançait pas. Mes courts métrages montraient déjà cette jeunesse perdue dans ces lieux désertés, mais leur élan de vie les poussaient parfois à partir quand d’autres n’en ont pas eu la possibilité. Quand j’ai tourné Petit paysan, on parlait beaucoup du suicide des agriculteurs. J’ai donc voulu montrer une fin avec un peu d’espoir, où le personnage de Swann Arlaud perd tout, certes, mais décide d’avancer. J’ai procédé de la même façon avec Météors. J’espère que ce film aidera des abstinents à tenir bon et qu’ils comprendront qu’il est toujours possible de s’en sortir.

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Comment avez-vous conçu l’aspect visuel et esthétique du projet ?
Hubert Charuel : Nous avions pour ambition de faire un film social mais avec une approche très cinématographique, d’où un format qui reprend le grain de la pellicule, avec beaucoup de couleurs. Cela semble d’autant plus crédible que Saint-Dizier est comme une ville bloquée dans les années 80 depuis la crise industrielle.
Claude Le Pape : Un travail important a aussi été fourni sur le son tant nos acteurs ont tous des voix à la fois belles, rares et étranges, avec des textures différentes. Nous voulions une ambiance sonore à la fois minimaliste et intime puisque nous sommes dans une ville dépeuplée. Il fallait procéder à ce travail d’épure, tout en nous focalisant sur les décors les plus graphiques possibles… À commencer par la poubelle nucléaire.
Cette poubelle apporte une dimension proche de la science-fiction comme vous l’évoquiez préalablement…
Hubert Charuel : Nous n’avons pas pu tourner dans un tel lieu et il nous était impossible de le recréer en studio. Il nous a suffi d’utiliser des panneaux en polystyrène de 2,50 x 2,50 mètres que nous avons dupliqués numériquement pour donner l’illusion d’un long couloir... alors que nous étions sur une piste d’avion à Reims. Pourtant, dès le visionnage des rushs, nous avons été saisis par un sentiment de vertige. L’expertise de notre première assistante nous a été très précieuse puisqu’elle a notamment travaillé sur The Brutalist, dont elle a dû organiser le tournage en seulement trente-quatre jours.
Et que dire de votre trio d’acteurs… absolument parfait ! Se sont-ils imposés d’emblée ?
Claude Le Pape : Nous avons été bluffés par le charisme, le magnétisme de Paul Kircher… Même quand il ne dit rien, on est connecté à lui. Il suscite une empathie immédiate. Il a souvent joué des personnages de jeunes adolescents et j’aime à penser qu’il incarne ici son premier rôle de jeune adulte. Idir Azougli et Salif Cissé se sont très vite imposés eux aussi. Nous avons travaillé en amont du tournage avec eux afin qu’ils puissent développer une relation d’amitié authentique qui puisse se ressentir sur le plateau. Ils ont constamment nourri notre histoire. Ils sont le cœur du film.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Galerie photos
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