Le 15 juin 2025

- Scénaristes : Valérie Villieu, Dominique Missika
- Dessinateurs : Simon Géliot, Anais Depommier
- Famille : Roman graphique
- Editeur : La Boîte à bulles, Steinkis
Un thème en vogue dans la bande dessinée depuis quelques années, et les professeurs d’histoire salueront la démarche, est le traitement de la Shoah, et plus largement celui de la Seconde Guerre Mondiale. Le Mémorial de la Shoah y avait déjà consacré une exposition en 2017, preuve que l’intérêt n’est pas neuf : « Shoah et bande dessinée ».
Depuis, de l’encre a coulé sur les pages. On traite l’épique sujet de la Résistance avec les trois tomes (bientôt quatre) de Madeleine résistante (Dupuis, 2021), ou de La Rose blanche (Plein Vent, 2021) en explorant le prisme beaucoup plus rare de la Résistance au sein même de l’Allemagne nazie. La vie sous le Troisième Reich dans Columbusstrasse (Robinsson, 2025), déjà chroniqué comme les deux précédents sur notre site, ou Lebensborn (Bayard, 2024). L’après-guerre, avec La Cavale du Docteur Destouche (Futuropolis, 2015) et La disparition de Joseph Menguele (Grasset, 2017)… la Shoah, enfin, qui ne cesse de fasciner et de laisser interdit.
Bien entendu, le monde a salué dans les années 1980 le monument d’Art Spiegelman qu’est Maus. Depuis, les scénaristes de BD se sont emparés de ce thème si sensible. Romans graphiques et séries, témoignages et docus-fictions affluent : Adieu Birkenau (Albin Michel, 2023), Je n’ai pas oublié, histoire de la Shoah par balles (Rocher, 2024), Les mémoires de la Shoah (Dupuis, 2025)…
L’anniversaire des 80 ans de la libération des camps de concentration constitue une opportunité de revivifier la mémoire pour la transmettre aux jeunes génération. Cette année, nous nous intéressons plus particulièrement à deux autres titres, parus respectivement chez Steinkis et La Boite à Bulles.
La Muette, Drancy, un camps aux portes de Paris de Valérie Villieu et Simon Géliot
La vie du camps d’internement de Drancy, raconté pour la première fois en BD, à travers le destin croisé de plusieurs protagonistes fictifs. En août 1941, la police française arrête 5000 habitants, tous juifs, du XIe arrondissement de Paris. La quasi-totalité est emprisonnée à la cité de La Muette, à Drancy. Trois ans durant, la cité verra passer hommes, femmes et enfants, en partance pour les camps. Presque 70000 personnes au total. Les destins de Béno, Chill, Nissim et Jean, ou encore Chana, se croiseront dans un quotidien sordide, rythmé par les arrivées et les départs pour les camps, où même aller aux cabinets est loin d’être une simple formalité.
- Valérie Villieu et Simon Géliot / La Boîte à bulles
Dans un monochrome de lavis bleuté aux traits allant à l’essentiel, les auteurs donnent à voir le quotidien du camps, son organisation, la vie qui s’y est développée tant bien que mal, le quotidien de souffrance, de lutte et d’espoir des internés. Le trait tend même parfois vers le croquis, pour mieux montrer l’universalité de l’horreur qui touche toute une communauté. En annexe, un plan du camps, une chronologie, et dix pages de notes historiques pointues complètent le témoignage.
Voir aussi de la même autrice, Deux hivers, un été, récit de l’exil de deux jeunes juives, fuyant dans l’Isère les persécutions nazies.
Les enfants de Buchenwald de Dominique Missika et Anaïs Dupommier
En avril 1945, le camps de Buchenwald est libéré. C’est sur ces images d’affrontements que s’ouvre le livre. Parmi ses détenus, des hommes, des femmes... et même des enfants arrivés en janvier 1945, et que n’était pas supposé accueillir ce camp, situé près de Weimar en Allemagne, mais qui y ont été parqués après l’évacuation des camps situés plus à l’Est, dont Auschwitz-Birkenau. Ces enfants ont survécu aux marches de la mort. Grace à la solidarité et à la résistance interne du camps, qui les isole des autres détenus, les nourrit autant que possible, et même les instruit, 1000 enfants survivent jusqu’à la libération du camps par les troupes étasuniennes. La majorité a entre 8 et 24 ans et tous sont orphelins. Où aller maintenant ?
À la libération des camps, chaque pays évacue ses ressortissants, mais ces enfants sont un cas à part : personne ne s’attendait à les trouver, certains ne veulent pas rentrer chez eux où ils ont connu ghettos et sévices, certains ne savent pas d’où ils viennent, d’autres viennent de pays qui n’existent plus. C’est ainsi que 426 garçons, originaires d’Europe centrale et de l’est arrivent en France, sous la protection de l’Oeuvre de Secours aux Enfants. Pendant la guerre, l’OSE chassée d’Allemagne par le régime nazi, avait déjà mis en place un réseau de sauvetage clandestin, ayant permis de soustraire 2500 enfants aux rafles.
- Dominique Missika et Anaïs Dupommier / Steinkis
Les 426 garçons placés sous la responsabilité de l’OSE, sont accueillis en Normandie, le temps d’un été. Ils sont en mauvaise santé, traumatisés et sans repères. Médecins, éducateurs et assistantes sociales vont les prendre en charge et tacher de leur redonner goût à la vie.
Basé sur les témoignages de rescapés et de leurs sauveteurs, des photos d’archives et même des vidéos prises par les soldats américains, les archives des mémoriaux et les ouvrages sur le sujet, les autrices nous content leur histoire. « A l’heure où nous quittent les derniers survivants des camps nazis, il nous faut conserver la mémoire de ce qu’ils ont vécu. » répète Dominique Missika. Ayant déjà écrit une douzaine d’ouvrages, produit des documentaires pour la radio et la télévision, dont la série des grands procès historiques pour France Culture, la BD lui paraît un excellent média pour toucher un public plus jeune, tout en montrant sobrement l’immontrable.
Anaïs Depommier et Alessandra Alexakis l’illustrent, de manière sobre et colorée, sans tomber dans le voyeurisme : « Tout le monde a en tête les photos difficiles des camps, ce n’était pas utile de les représenter, et les dialogues suffisent à faire comprendre la réalité de ce qu’ils ont vécu. » (AD). En effet, une mise en image plus que réussie et un récit rare qu’il convient de lire.
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