Le 6 octobre 2025
- Scénariste : Reza Sahibdad>
- Dessinateur : Yann Damezin
- Genre : Guerre, Politique, Famille, Tranches de vie, Moyen-Orient
- Editeur : Sarbacane
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 20 août 2025
Le récit poignant d’un jeune hazara afghan obligé de fuir son pays et chercher un refuge que personne ne semble vouloir lui donner. Un récit dessiné comme un livre de contes persans. Percutant !
Résumé : La bande dessinée s’ouvre avec deux individus attablés à un café : l’un est Reza Sahibdad et l’autre, Yann, le dessinateur de cette bande dessinée. Ensemble, ils vont revenir tout au long de ces pages sur le parcours du premier : Reza. Il est Afghan issu de la minorité hazara persécutée par les différents dirigeants de l’Afghanistan se succédant depuis plus d’un demi-siècle à la tête du pays. Avec sa famille, il n’a pas d’autres solutions que la fuite. Il s’installe en Iran. Lui et sa famille réalisent rapidement et amèrement qu’ils ne sont pas bienvenus ici. Ils souffrent de racisme, de discriminations, et même de persécutions… Mais Reza est comme tous ceux de son âge, dans quelques pays qui soit, un jeune qui veut vivre et se réaliser. Alors, comment faire pour dépasser son statut de réfugié ? Comment réussir à avancer quand tout semble être hostile à sa culture ? Reza choisit de ne pas rester en Iran et il parvient à arriver en France. Il demeure sans papier et c’est devant une agente de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) que Reza Sahibdad doit retracer toute sa vie, se remémorer son passé pour espérer obtenir des papiers et vivre un présent plus apaisé.
Critique : Dans Hazara blues, il n’est pas question de musique, comme ce titre pourrait le laisser supposer, mais d’images, d’exil et aussi de rêve et d’espoir. Plus qu’un blues, cet album serait davantage une complainte. Celle d’un homme qui doit répondre à un juge qui instruit son dossier pour l’obtention du statut de réfugié hazara afghan en France. Ce serait une complainte qui parle des douleurs, mais également de la vie qui résiste. Plus encore ce récit est avant tout un témoignage, l’évocation d’une histoire personnelle et douloureuse pour justifier le droit de vivre en France. De fait, c’est un récit construit, une première fois pour le juge, et une seconde fois, pour l’écoute attentive d’un ami qui va mettre en dessin son périple.
La flamboyante couverture d’album parée de volutes imprimées en vert/or à chaud attire l’oeil. Ces formes contrastent frontalement avec le fond noir de cette couverture . Elle suscite l’envie d’ouvrir ce bel album. Les lecteurs.rices découvrent à l’intérieur une réalité plus austère, le contenu d’un entretien juridique qui dévient, grâce au dialogue entre les deux auteurs, matière à création.

- Tous droits de reproduction réservés © 2025, Yann Damezin/Reza Sahibdad, Sarbacane Éditions
Cet album nous invite à découvrir l’histoire de Reza et avec lui l’histoire de sa tribu, les Hazaras, une minorité musulmane chiite du centre de l’Afghanistan. Ces deux histoires semblent être racontées pour être conservées, là, dans cet écrin aux formes luxuriantes. Pourtant, Reza et sa famille n’ont pas eu une vie facile. Obligés de subir au quotidien les réprimandes et le racisme, contraints d’accepter des conditions de travail déplorables pour ne pas sombrer dans la misère. Les parents semblent être résignés. Younès, le grand frère de Reza, au contraire, aspire à du changement et espère revenir dans son pays. Il s’engage auprès de ceux qui défendent le droit des Hazaras à vivre librement en Afghanistan. Mais peu de temps après être arrivé en Iran, il est emprisonné puis une fois libéré subit une traque perpétuelle. Après avoir été déçu par les figures politiques qu’il a soutenues, il ne croit plus en rien. Pour Reza, c’est sa foi religieuse qui petit à petit s’érode. En revanche, l’un et l’autre, à leur manière, ne cèdent pas à la résignation. Reza trouve refuge dans l’enseignement qu’il peut encore la recevoir, puis dans les livres et plus tard dans le cinéma. Plus sombre refuge, il goûtera aussi à l’opium, au crack et à l’héroïne. Mais il parvient à se construire un parcours qui le conduit en France.

- Tous droits de reproduction réservés © 2025, Yann Damezin/Reza Sahibdad, Sarbacane Éditions
Quand Yann Demazin rencontre Reza Sahibdad, le projet de cette bande dessinée prend forme. Les éditions Sarbacane, fidèle à leur professionnalisme et à l’attention qu’elles portent à la confection de chaque ouvrage leur permettent de concrétiser ce projet. L’album est graphiquement très beau, son grand format, rend la lecture encore plus forte. Tout est soigné dans ce livre, les textes comme les précisions historiques et culturelles qui sont suffisantes mais pas assommantes... Et puis il y a les très beaux dessins de Yann Demazin. Cet auteur et dessinateur s’est fait remarquer avec son précédent album Majnoun et Leïli. Chants d’outre-tombe paru en 2022 chez La Boite à Bulles. Il y revisitait en alexandrins et avec un graphisme inspiré de la miniature persane, une histoire d’amour impossible appartenant à la culture populaire orientale. Pour Hazara Blues, il reprend le même style graphique, mais parle d’une histoire vraie et contemporaine. Le dessin est assez minimaliste, quelques coups de crayons, droits et sobres donnent vie à des personnages qui ressemblent à des marionnettes de théâtre d’ombres. Le décor est en revanche très riche en formes arabesques et en détails graphiques. Nombreuses cases sont des histoires à elles seules. Yann Demazin joue malicieusement avec les codes du merveilleux, notamment en transformant la juge de l’OFPRA en un espace de dragon menaçant à tête humaine. Se surajoute à ce parti-pris graphique, un jeu de couleur sobre et signifiant. Chaque couleur est associée à une temporalité du discours. Ce code chromatique permet aux lecteurs de ne pas se perdre dans la narration.
Cet album est une belle réussite. S’il débute par la formule qui démarre tous les contes persans, il se termine comme un clin d’œil par la phrase qui clôt la plupart de nos contes européens. Après elle, un dernier "Inch’allah" est prononcé, souhaitons bon vent à Reza !
Enfin et c’est important, cette bande dessinée nous rappelle que derrière le qualificatif de « migrants », terme devenu aujourd’hui fourre-tout et déresponsabilisant se trouvent des hommes et des femmes qui auraient certainement préféré vivre autrement que dans l’exil, la fuite ou l’itinérance contrainte.
240 Pages – 29,50 €
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Galerie photos
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