Le 28 août 2025
- Réalisateur : Thierry Klifa
- Distributeur : Haut et Court
- Festival : Festival de Cannes 2025, Festival d’Angoulême 2025
– Sortie en salle : 29 octobre 2025
Thierry Klifa revient sur la conception de La Femme la plus riche du monde, présenté en ouverture du Festival d’Angoulême 2025.
Après avoir été présenté au Festival de Cannes en mai dernier, le nouveau film de Thierry Klifa a fait le bonheur des spectateurs du Festival du Film Francophone d’Angoulême où il était présenté en séance d’ouverture. L’occasion de revenir avec ce cinéaste cinéphile sur la conception de ce film aussi coloré que jubilatoire.
En vous plongeant dans cette « affaire Bettencourt », qu’est ce qui vous a amené à penser que vous pouviez réaliser un film aussi ample et romanesque que le vôtre ?
C’est une affaire dotée d’une dimension shakespearienne, voire balzacienne, avec des thématiques universelles tels que la famille et les secrets qu’elle renferme. La particularité de cette affaire, c’est qu’elle se déroule dans le milieu des ultras riches. Un monde qui fascine et révulse à la fois. Cette haute bourgeoisie française catholique est assez peu montrée au cinéma. Il faut donc en connaitre les codes, la morale, les habitudes pour la raconter. C’est un monde complexe à reproduire car ce sont des personnes qui vivent en vase clos. Ce qui m’intéressait, c’est que l’on n’avait jamais raconté cette affaire sous le prisme de l’intime. Cela n’avait pas d’intérêt pour moi que de simplement illustrer le fait divers. J’ai vu dans cette affaire une matière frictionnelle très forte, avec une dimension comique, mais aussi politique et romanesque, où les personnages sont comme des figures de tragédie mais nous entraînent dans un vent de folie tant ils sont hors sol et violents dans leur manière de s’exprimer ou d’appréhender la vie et le monde.
Justement, comment avez-vous procédé pour mettre en place une reconstitution aussi juste ?
J’ai eu l’occasion de me confronter à ce monde dans ma jeunesse. Un monde qui a pour ainsi dire disparu car ces personnages se sont construits sur les cendres de la guerre et de la collaboration. Néanmoins, la fiction permet de créer des situations. Cela nécessite un peu d’instinct, de psychologie, et aussi beaucoup de documentation. De plus, je me suis permis de changer les noms des personnalités concernées par cette affaire car je tenais à bénéficier d’une grande liberté pour composer ces personnages de fiction, en me basant sur une réalité, certes, mais en l’amenant ailleurs. J’ai ainsi pu créer une temporalité qui soit propre au film, sans avoir jamais recours à l’utilisation de prothèses pour d’éventuels vieillissements. Et enfin, j’ai travaillé en étroite collaboration avec mes chefs de poste, que ce se soit au niveau des décors, de la lumière ou des costumes. Nous avons recréé ce monde très codé, sans rien d’ostentatoire mais avec le goût du beau, des belles matières, de l’élégance. Je voulais aussi que le film soit très coloré afin de donner de l’éclat, de la fantaisie, de la comédie à ces personnages et à cette histoire afin d’en faire une farce. Pour l’anecdote, Isabelle Huppert porte jusqu’à soixante-dix costumes tout au long du film. À tel point que Laurent Lafitte a récemment déclaré avoir eu le sentiment qu’elle se changeait même dans les champs-contrechamps (rires). Pour ma part, j’aime que les films soient beaux, que l’image soit élégante, que les acteurs soient bien filmés. Tout cela dans la cohérence de l’histoire que l’on raconte afin que rien ne soit artificiel. Ici, la narration permettait une certaine forme d’artificialité et c’était amusant d’en jouer.
Vous êtes réputé comme un cinéaste cinéphile. Aviez-vous des références précises pour concevoir l’aspect visuel de votre film ?
J’ai beaucoup pensé à Phantom Thread de Paul Thomas Anderson. Un film très raffiné et qui traite également du secret. La Femme la plus riche du monde devait avoir son propre mystère. Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears a également été une inspiration importante en raison de ses joutes verbales. Même une série comme Succession a pu m’inspirer même si elle s’avère plus contemporaine. Les films sont pour moi comme des compagnons de vie. Ils m’influencent de manière presque subliminale tant ils me constituent.
Avant de devenir cinéaste, vous avez longuement été journaliste à Studio. Est-ce votre métier de journaliste qui vous a amené à la réalisation ou est-ce-que vous en rêviez déjà auparavant ?
J’ai su dès l’âge de cinq ans que je voulais faire du cinéma. Cela s’est précisé au fur et à mesure du temps. Il y a eu un moment charnière dans ma vie, c’est la découverte quasi simultanée de La Femme d’à côté de François Truffaut et Hôtel des Amériques d’André Téchiné. En découvrant ces deux œuvres, je me suis dis « Ah si seulement la vie était comme ça ». Il y avait quelque chose dans leur démarche de cinéma qui m’a permis d’identifier le désir que j’avais. Comme je ne connaissais personne dans cette industrie, je me suis d’abord initié au journalisme et je suis entré à Studio où j’ai pu effectuer mon apprentissage de ce milieu. J’ai eu l’occasion de me rendre régulièrement sur les plateaux de cinéastes tels que Claude Sautet, Alain Resnais ou Claude Chabrol. J’ai beaucoup appris en les regardant et lorsque j’ai tourné mon premier court métrage, j’ai compris que le plateau de cinéma était un lieu qui m’était familier, bien que très impressionnant. Pour autant, malgré le trac, je n’y ai jamais été paralysé par la peur. J’étais et je suis encore à ma place. Comme je dis souvent, les deux lieux au monde où je me sens le plus chez moi, c’est soit dans une salle de cinéma, soit sur un plateau de cinéma.
Quelques mots sur votre casting absolument génial (Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Marina Foïs, Raphaël Personnaz, André Marcon) ?
Toutes et tous se sont imposés de manière évidente et naturelle. J’aime mélanger des familles d’acteurs qui n’ont pas nécessairement travaillé ensemble. De plus, j’aime ne pas savoir ce que les acteurs vont faire. Ils doivent me surprendre. Je suis tout l’inverse de Francis Veber qui écrit ses dialogues en ayant à l’oreille l’intonation qu’il désire. Pour ma part, c’est à partir de ce que les comédiens proposent que je peux construire quelque chose avec eux. Je suis très à leur écoute. J’ajoute qu’ils ont eu un plaisir absolu de jouer ensemble et cela a galvanisé toute l’équipe.
Et enfin, après Les Rois de la piste, vous retrouvez Alex Beaupain qui compose à nouveau votre bande originale…
La clé de son travail a été de trouver le thème principal du film qui n’est pas sans rappeler, toute proportion gardée, l’univers d’Ennio Morricone. On est loin de ce qu’Alex a l’habitude de faire. Sa composition musicale apporte au film sa part de mystère, avec un côté film policier, mais teinté de comédie. Sa musique apporte une dimension populaire. Je suis le plus heureux des hommes lorsque mon désir de cinéma rencontre l’envie du public. J’essaie de tendre en permanence vers ce cinéma populaire qui m’est cher.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Galerie photos
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