Le 26 février 2025

- Festival : César 2025
Le directeur de la distribution de Studiocanal nous témoigne de sa passion pour les César à l’occasion de la publication de son livre consacré à l’histoire de la cérémonie.
Ce livre témoigne d’une réelle passion pour la cérémonie des César…
Exactement, une passion qui remonte à mon enfance. J’aimais déjà ce rendez-vous qui était l’un des rares endroits où l’on pouvait voir autant d’acteurs réunis dans une émission de télévision. Car il ne faut pas oublier que cette cérémonie a été avant tout conçue comme un émission télévisée, mêlant la variété et le cinéma. Il n’existait rien de tel à l’époque. Et c’est ce qui fait que je me suis attaché à ce rendez-vous annuel dès mes onze ans.
L’écriture de ce livre s’est donc imposée à vous ?
Je n’ai jamais eu de vocation à devenir un auteur. Pour autant, je regrettais qu’un livre sur les César n’ait jamais existé. Aussi, je me suis souvenu d’un ouvrage américain consacré aux Oscars que j’avais acheté en 1989 à l’occasion des soixante ans de cette cérémonie. Je tenais à lire un jour un livre comme celui-ci mais consacré aux César. J’ai donc eu l’idée de m’en charger moi-même il y a deux ans. Cela faisait sens car je connais très bien l’histoire de cette cérémonie que j’ai tant suivie, d’abord comme spectateur, puis comme professionnel de la distribution depuis trente ans. J’en ai parlé à Maxime Saada et Anna Marsh (NDLR : président et directrice générale de Studiocanal) pour mener ce projet en parallèle de mes activités de distributeur. Ils m’ont dit « banco ». J’ai trouvé un éditeur, Hachette, qui a très vite accepté de m’accompagner. Le projet s’est donc lancé lors du festival de Cannes 2023, en vue d’une publication à l’automne 2024, soit quelques semaines avant la 50e cérémonie.
Sous quel angle souhaitiez-vous aborder ces cinquante ans d’histoire des César ?
J’ai très vite compris qu’il ne fallait pas écrire un livre chronologique, mais thématique. Il n’était pas non plus nécessaire de publier la totalité des palmarès. Le public ayant accès à tout avec Internet, il n’a pas besoin d’un livre qui soit une sorte de Wikipédia des César. L’idée était donc de raconter l’histoire des César depuis un demi-siècle. Pour moi, cette cérémonie est un événement populaire et doit le rester. Le but était de rappeler les bons souvenirs qui sont liés à cet événement, pourtant critiqué chaque année en raison du palmarès, ou de sa durée. C’est peut-être vrai, mais quand on prend un peu de hauteur sur ces cinquante ans d’histoire, on se rend compte que, au final, il y a eu beaucoup de beaux moments, drôles, émouvants, parfois dérangeants, mais souvent de grands moments de télévision. J’aime aussi à penser que cette cérémonie annuelle offre une photo instantanée de l’année vécue par le cinéma français. C’est cela que je voulais aborder dans ce livre, en donnant une photo globale du cinéma français depuis cinquante ans.
Il y a deux reproches régulièrement fait à cette cérémonie. Le premier, sa dimension toujours plus politique. Le second, comme vous l’avez dit vous-même, sa longueur. Qu’en pensez-vous ?
Les César sont effectivement une tribune précieuse pour mettre en lumière les enjeux ou les problématiques de l’industrie cinématographique. Rares sont les endroits où la culture peut s’exprimer de manière aussi précise, en déclarant des choses importantes et contestataires à une heure d’aussi grande écoute. Et à côté de cela, on célèbre les films, à la fois pointus et populaires, ainsi que les artistes, et on remet un César d’honneur à des personnalités comme Julia Roberts et Costa-Gavras cette année. C’est la force et l’attrait de cette cérémonie. Quant à sa longueur, elle est principalement due au nombre de prix, qui ne cesse d’ailleurs de croître puisque les effets visuels sont désormais récompensés. Certains estiment que la coiffure et le maquillage devraient aussi être à l’honneur. Les cérémonies les plus longues ont souvent été celles où un même film écrasait tout le palmarès, comme Timbuktu, Un prophète ou Les Garçons et Guillaume, à table !. Cela devenait même gênant pour les lauréats de monter sur scène. Même si ces triomphes étaient mérités, ce côté répétitif peut être pénalisant dans un show télé.
Y a-t-il pour vous un âge d’or des César ?
Selon moi, il y a clairement une année charnière où les César ont changé de catégorie, c’est au début des années 80 lorsque Le Dernier métro de François Truffaut a glané dix récompenses. Ce triomphe a généré beaucoup d’entrées supplémentaires. À tel point que la cérémonie a été prise au sérieux par tous les artistes et les professionnels qui ne voulaient surtout plus la rater dès lors qu’ils étaient nommés. Alors qu’avant, ils faisaient rarement le déplacement. Au mieux, ils étaient en duplex. Ce succès a changé le regard que la profession avait sur ce rendez-vous, en comprenant qu’un film pouvait voir son succès croître. L’autre grand tournant a été l’arrivée de Canal+ dans les années 90, avec Antoine de Caunes et Alain Chabat qui ont apporté un souffle, un humour, un élan, une popularité que la cérémonie avait perdus.
Pensez-vous que les César aient encore un impact sur la carrière des films ?
Les César ont œuvré pour que les films, qui ont eu du succès ou non, voient leurs entrées augmenter après la cérémonie, soit avec des nominations, soit avec des victoires. Cela a été le cas pendant des années. Désormais, l’effet César est moindre qu’il ne l’a été car les films nommés ou récompensés sont déjà visibles sur Canal+ ou en VOD. La salle devient donc moins prioritaire que les autres médias. Quand Leos Carax gagne son César du meilleur réalisateur avec Annette, le film est déjà disponible sur Canal+ et le téléspectateur peut le découvrir dans son salon. L’effet multiplicateur des entrées en salles est donc moindre que dans les années 80 lorsque les sorties vidéo ou les diffusions télévisées arrivaient beaucoup plus tard. Si les salles reprogramment les films récompensés après la cérémonie, les résultats seront forcément plus à la marge qu’il y a quelques années.
Vous aurez vous-même une place de choix lors de cette 50e cérémonie puisque Studiocanal a accompagné L’Amour ouf, qui compte treize nominations, et La Plus précieuse des marchandises, nommé à trois reprises. Que retenez-vous de ces deux aventures ?
Nous avons toujours eu confiance en L’Amour ouf que nous adorons. Nous étions fous de joie d’être sélectionnés en compétition à Cannes. La présentation au Théâtre Lumière a été mémorable, la standing ovation a bouleversé l’équipe. Même si nous avons été un peu refroidis par l’accueil de la critique. Mais cela n’a jamais annihilé notre désir de faire de film un grand succès public, notamment auprès des jeunes. Nous voulions toucher cette cible qui se rend rarement en salles pour découvrir des films français. Parallèlement à cela, Gilles Lellouche et ses producteurs, Alain Attal et Hugo Sélignac, ont eu l’intelligence de s’interroger sur ce qui pouvait être amélioré dans le montage final. Le travail de post-production s’est donc poursuivi quasiment jusqu’à la sortie. Et cela a fonctionné. Les retours de la presse et des exploitants étaient bien plus optimistes qu’à Cannes. Quant à La Plus précieuse des marchandises, quelle fierté d’accompagner un tel film depuis des années. Nous avons toujours cru à la force de ce projet, ainsi qu’à son ambition artistique. Il est rare qu’un film d’animation soit en compétition officielle à Cannes. Une telle œuvre devait être supportée par la puissance financière d’une société comme la nôtre. Nous voulions la proposer au plus large public possible et son succès nous réjouit.
Propos recueillis par Nicolas Colle
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