Dossier Cronenberg
Le 25 juin 2002
Trafiquant d’images, poète des faux-semblants...
- Réalisateur : David Cronenberg
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Trafiquant d’images, poète des faux-semblants...
David Cronenberg est un illusionniste qui nous égare dans les méandres de son imaginaire. Un coup de baguette magique, et plus rien ne ressemble à nos certitudes, plus rien n’existe que l’infiniment mouvant qui s’agite devant sa caméra. Trafiquant d’images, poète des faux-semblants, Cronenberg s’est construit un univers inimitable, dans lequel il décline, au fil des ans, quelques obsessions.
"Tu as de la chance d’être entier", lâche Eliott à son frère. Mais on sait depuis longtemps que chez Cronenberg, nul ne peut être entier sans son revers ! Comme si toute l’œuvre trouvait dans ces Faux-semblants son point de convergence, son exemplarité. L’univers est double. Le mauvais côté du miroir et le pays des merveilles. De l’un à l’autre, toutes les passerelles sont possibles : la drogue, le sexe, le jeu, le danger. Jekyll et Hyde se confondent, se cherchent, se testent, dans une perpétuelle redistribution des rôles. Car l’univers de Cronenberg n’a rien de manichéen. Chacun porte en soi une part de l’autre et peut reprendre son rôle au pied levé. Tout est double, tout est reflet. Doubles, bien sûr, les jumeaux de Faux-semblants, unis par leurs jeux troubles aussi sûrement que les siamois par le tronc, mais aussi l’inventeur et sa mouche, qui finissent par ne faire qu’un, M. Butterfly et son amant, qui voient, en regardant l’autre, leur propre image dans le miroir.
Tout se joue autour de la séparation : chirurgicale, refus de l’autre, ou encore l’abîme qui se creuse lorsque l’un des deux traverse le miroir. Car il y a la réalité, terne, glauque, et l’autre côté où tout est possible. Catherine, dans Crash, voit ainsi son compagnon glisser progressivement dans un monde auquel elle n’a pas accès : l’irrésistible violence du contact de la tôle froissée avec le corps, les cicatrices, les marques... ce désir. Alegra s’évade dans le monde virtuel d’eXistenZ, où on est maître de tout, où rien n’est définitif ; n’est-on pas dans le jeu ? Et si son compagnon hésite encore, elle a déjà choisi, entre la tristesse engluée du monde réel et la magie de l’autre bord. On pense à la drogue, bien sûr, le bonheur qui explose au prix d’une petite effraction au creux du coude. Les merveilles d’eXistenZ, elles, sont distillées par un cordon fiché au bas du dos, dont les métaphores feraient tout un sujet !
On a donc le choix : dedans ou dehors. Le corps n’y échappe pas. L’apparence est toujours un leurre, la "beauté intérieure" une fascination, comme celle du gynécologue de Faux-semblants, en arrêt devant l’utérus de sa patiente, et qui rêve de concours de beauté des organes !
Le corps se transforme, s’ouvre, se déchire, et ces métamorphoses sont autant d’accès à d’autres pouvoirs, à d’autres compétences, par alliance avec le corps étranger. C’est le don de prémonition dans The Dead Zone, ou le plaisir, dans Crash, une fois dépassées les exigences esthétiques. C’est le pouvoir de vie et de mort sur soi-même et les autres. Notre univers est ce qu’on en fait, terne ou luxuriant, balisé ou aventureux.
Alice croquait le champignon magique, ici aussi, c’est par la modification du corps que se transforme la réalité, c’est en échappant à la norme que s’ouvriront les portes de la perception.
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